• Clopins clopants •
...

Ils ne sont pas venus pour des clopinettes, ça non. Tout du moins, Tâche ne l’espère en rien. Il s’en voudrait d’y avoir déplacé son chef, de lui avoir bondit dessus en le tirant par la manche, déformant ses vêtements. M’sieur Richter ! M’sieur Richter ! qu’il s’était époumoné. Faut qu’vous veniez vite ! Vous devez voir ça ! parce que c’est ainsi qu’il s’exprime, face au blond. Comme si ce dernier était un adulte. Comme s’il était l’autorité suprême.
Et ce n’est pas quelque chose de totalement faux.
Il a convaincu le garçon-séisme de le suivre, lui-même ne sait plus trop comment. En tout cas, il lui avait raconté les rumeurs qu’il avait entendues, celles dont Richter ne devait pas être étranger lui-même. Mais, il ne l’avait pas seulement dérangé pour cela. Emporté par sa curiosité, Tâche avait décidé de fureter dans les bois, s’y enfonçant sans la moindre honte malgré le risque de ne pas forcément y faire des rencontres très agréables. Il ne s’y était pas avancé plus que cela. Parce qu’il avait été heurté par les gri-gri, les étranges cercles de pierres. Puis, il y avait eu autre chose…
Tâche n’y était pas arrivé, tout simplement. Comme si ses pas devenaient de plus en plus lourds au fur et à mesure de sa randonnée. Comme si une boule d’angoisse possédait progressivement le creux de son estomac. Alors, le garçon avait mis ça sur le compte du côté « bizarre » des décorations ésotériques de la forêt. Parce qu’il n’a pas peur, il n’est pas un trouillard, après tout.

…

Il a tourné les talons bien vite.

De toute manière, ces symboles étranges ne pouvaient pas rester là. Ils n’étaient pas bien, et peut-être même qu’ils étaient démoniaques. Il était même possible que le malaise vienne de ça, de leur nature profondément mauvaise. Ainsi, porté par un désir de justice divine, il lui avait semblé absolument normal d’en informer Richter, et de lui dire qu’il serait bien d’essayer de choper les malandrins sur le fait. Peut-être que des remontrances – ou bien une punition des adultes – les remettraient sur le droit chemin.

Tâche secoue la tête et jette un œil sur la silhouette du blond derrière lui : « Hé , ça va ? » qu’il s’inquiète tandis que ses doigts jouent avec les bretelles de son sac à dos. C’est qu’il se doute que Richter n’est pas du genre à aller crapahuter, encore moins comme ça, dans les bois boueux qui parsèment leur territoire de flaques putrides et de mauvaises surprises. Cependant, il avait prévu le coup. Le sac rempli de divers accessoires ; des mouchoirs, bouteilles d’eau, en passant par des barres chocolatées – les sucres rapides, ça aide quand on se sent patraque – et même quelques pansements ; on aurait pu croire que Tâche avait prévu un certain périple. Le brun en question penche la tête sur le côté en fronçant un sourcil, avant de voir son visage s’éclairer, comme pris d’une idée de génie : « Ah ! …Je peux vous porter M’sieur Richter ! » et sans même attendre la réponse, il fait glisser son sac au niveau de son torse pour dégager son dos. Richter ne risquera pas de faire une mauvaise chute, de cette manière. De plus, Tâche semble absolument inspiré par son idée – pas seulement parce qu’il se sent fort ainsi – et se penche déjà, faisant signe à l’autre adolescent de s’accrocher à ses épaules. Il se permet même le luxe d’ajouter, avec un grand sourire fier : « En plus, ça vous évitera d’saloper vos chaussures ! » Ah bah oui Qu’est-ce que j’suis malin.
Mais sûrement pas pour penser au fait que Richter risque peut-être de perdre son temps avec lui, à partir en quête de ‘‘ce qu’ils ne savaient pas trop quoi’’, et qu’il a probablement de bien meilleures – et plus intelligentes – choses à faire mais eh, Tâche savait se faire convaincant. En particulier lorsqu’il est persuadé d’agir pour le bien. Ainsi, le garçon patiente à sa manière, il trépigne déjà sur place.

Si on arrête des méchants, Richter sera trop fier.
Et cette simple idée le rend heureux.