Abel a bel ah bêle abeille
Bourdonne entonne et même floconne
Enlace la fleur et répand le miel
Lis dans les morceaux de sucre quelques bonheurs à venir

Commémore un berger fait d'encre de poussière

Affriolant l'azur tracté jusqu'à ses lèvres
Babille des milliers de bulles, de lainages qui s'envolent
Empile des moutons sur tous les murs qu'il croise

Dérègle les syllabes avec des mots pour lui

Achalande ses vallées avec toute la blancheur (qu'il pourra ameuter)
Barbotant dans ses rêves, moelleux de tant de sourires qui assouplissent ses lèvres

Fébrilisé d'amour envers les nébuleuses qui bêlent au sein de son crâne

Acrobate à bouche tendre, crémeux abîme de feutre, aux mains de mousseline fraîche, modelées pour la caresse

Géant de cœur et nain des neiges

Avorton qui s'envole pour le pays des contes
Biberonnant aux mamelles des brebis d'Arcadie
Enfant du clair de lune filigrané d'argent

Hanteur qui erre, semeur de rêves

Abel s'enchante aux floconnements vivants
Brouillard de notes et de mouvements

Igniteur des songes bas qui s'enflamment à son front

Archange de sucre blanc à la bouche d'enfant roi, petit prince de mollesse aux doigts en allumettes

Jugulant ses paroles à la gloire du silence, dérivant tous ses mots pour des sourires d'aurore

Acharné de l’onomatopée qui s'enchaîne à des labiales pluvieuses
Barbouillis de langage, balbutiements mômesques

Insufflant des nuages dans ses respirations

Angelot d'aquarelle expirant de l'encens

Kermesse inexorable au sein du crâne onctueux

Abel s'enchante aux floconnements vivants
Brouillard de notes et de mouvements

(Mignonnet doux aux yeux de lait)

Abel déchante si le frère hante
Baragouine bas-
Efflue

Nonchalamment renaît au royaume onirique

Aux alpages frissonnants gainés de dentelles blanche, il erre, s'aère,
Berger achromatique à la voix de grelot
Éffleureur de poussière, inhalateur d'azur
L'infant de crème fouettée dérivant sur les cimes

Brille, brille lumière chatoyante
Ouvre les yeux joli papillon
Petite flamme sans cesse ondulante
Vol, vol doucereuse illusion

Brille, brille dans la nuit sans lumière
Explorateur guidé dans le noir
Phare de cire qui la nuit éclaire
Vol, vol droit vers cet espoir

Brille, brille chaleur caressante
Approche-toi voyageur perdu
Dans les bras de cette douce amante
Reçois avec joie cette flamme nue

Brûle, brûle douloureuse maitresse
Malheureux insecte à jamais oublié
Dans la nuit terrible fournaise
Restant seule sous la lune éclairée

Petite capucine solitaire, les gouttes de rosées perlent et coulent sur tes joues coquelicot, petite pivoine délicate que tu es se fait cristalliser par le sel, celui de tes larmes maculant tes joues d’enfant. Te voilà à present baignant dans le sel indélicat, tes pétales s’en abîment et ton coeur reste de pierre – lui aussi est devenu cristal, beau mais froid et rigide.
Cassiel, Cassis et Casse-toi, petit fruit dont le nectar est tes larmes, toi dont on ne veut pas que l’on balaie d’un revers de la main, indélicat alors que la fleur se fragilise laissant place au cristal, tu t’enrobes de lui pour paraître plus dure et moins facile mais tes pleurs ne s’arrêtent pas, jamais ils ne cessent. Les gens qui pleurent riront dans un moment, et les gens qui rient semblent pleurer mais le sentiment n’est pas le même, le sourire est inverse et les larmes ne coulent pas autant, le rire comme les pleurs blessent mais l’on regrette plus facilement le bon moment sans savoir que toi Cassiel, tu as pleuré et été malheureuse en contrepartie. Petite ange pleureur, tu ne seras aimée si l’on te dit de dégager mais le jour viendra où tu trouveras une personne terrestre avec des nuages dans la tête, et tout deux vous volerez vers les cieux injustes qui vous ont abandonnés.
Cassiel, petite fleur de cristal fait des larmes versées semble délicate mais la pierre coupe et les fleurs piquent, soyez gentil avec cette éphémère beauté au goût poivré avant qu’elle ne s’envole vers l’âge adulte, problématique et frayeur éternelle. Tout le monde a le droit de pleurer de rire, Cassiel a juste besoin d’apprendre, mais qui s’en chargera si personne ne veut d’elle ?

Des odeurs d’humidité gouttaient des murs et détachaient le plâtre par portions infimes. Elle s’en emplissait a chaque inspiration, les pieds nus sur le carreau froid. Son corps exposait ses meurtrissures sans couverture, reliquats blanchâtres et rosaces de douleurs passées. Sa main vint trouver la faïence sale, presque osseuse, du rebord de la baignoire, tandis que son corps entier accompagnait le mouvement avec une souplesse de geste rodé. Elle donna libre cours aux robinets qui allaient cracher une eau bouillante, fumante, tumultueuse. Lorsque le volume la satisfaisait, elle posa dans l’étuve un pied blafard ourlé de veinules bleues et sinueuses, pâles reflets de ce qu’elle fut autrefois. La bas. Sa personne entière trouva suite. Elle ne frémit pas au contact de l’eau, elle ne fit que serrer légèrement les dents au moment ou la morsure de feu du liquide venait colorer tout son corps blanc de rouge. Elle était en fusion. Elle fusionnait avec le liquide, la baignoire, la maison, le monde. Sa chair se mêlait aux eaux et ses os faisaient corps avec le récipient rugueux et presque abrasif.

Je pourrais me noyer, pensait elle chaque fois, et chaque fois elle ressortait terriblement vivante. Il l’avait attaché a cet endroit, épouse languide, abandonnée en faveur de Mars lui même. Elle se demandait quel désespoir sa mort pourrait lui causer. Si elle pouvait l’observer, se tordre de tristesse pour elle, sans doute aurait elle tenté le voyage. Mais il n’est que trop définitif. Elle lui faisait parfois payer ses abandons, mais les forces qui le poussaient étaient trop inexorables pour souffrir de ses oeuvres. Alors elle attendait.

Encore.
Dans les eaux.

Sa crinière brune, sauvage et abondante, était une absurde couronne. Elle avait fermé les yeux, laissant l’onde emplir ses oreilles. Parfois, dans ces états de délassement intense, son esprit la ramenait a jadis. Sous les yeux de la divinité incarnate. Elle était encore si jeune et virevoltait sous les frondaisons épaisses. Elle avait les traits pleins et non tirés et on craignait encore l’organisme a deux têtes, les jumeaux qui noyaient l’adversité dans des explosions carmines. Tout était révolu. La haute sylve de cet ailleurs ne bruissait plus de leurs batailles.

La salle de bains absorbait fumée et chaleur par le biais d’une lucarne qui me fermait plus. Sa peau, marbre délicat, fraichissait au rythme des eaux. Elle capta immobile l’entièreté du phénomène comme elle l’avait sans doute fait des centaines de fois auparavant. Rien ne la ferait sortir dans l’immédiat. C’était de ses prises de risques quotidiennes, frôler l’hypothermie et revenir. Sentir son corps trembler, le rythme ralenti de son coeur, engourdie dans tout ses sens, elle entamait ensuite sa ressurection, dans l’unique but de mieux recommencer.

Encore et encore.
Improbable phalène.

La tira de sa torpeur le son stridulant et imprévu de la porte. Elle libéra l’eau qui s’engouffra dans le trou noir et sans fin de l’évacuation. Puis elle se précipita elle même, froide et humide, attrapant au passage une serviette suspendue pour cacher quelques instants son intimité a celui qui ne manquerait pas de se découper dans l’ouverture de la porte.