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Action ou Vérité ? [Fermé, les invités sont déjà prévenus de leurs arrivées]
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Tamanoir


Action ou Vérité ? [Fermé, les invités sont déjà prévenus de leurs arrivées] - Page 2 83nx
personnage : 1 mètre 60 de puanteur, de noeuds de cheveux anciennement bruns, désormais noirs et bleus, de regard torve, de bouche aux incisives trop longues, de peau mate, de vêtements punks, de boots pour vous rétamer la gueule, de zozotement, de délire et de charisme.
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Punkachien
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Tamanoir
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Mer 25 Oct - 21:58


Action ou vérité

avec Le crew des suicidaires




Ça parlait trop – au point que Fange n’arrivait même plus à suivre mais il y avait quelque chose qui le gardait alerte : les sanglots de Quenotte. Voir sa sœur au bord des larmes était comme attester de la souffrance de Dieu sur ce monde et bien la seule chose pouvant réellement lui faire peur en plus du risque de la perdre.

Raspoutine pouvait déblatérer tout ce qu’il voulait, ses agressions n’étaient rien pour lui, que de la broderie de mots trop délicate pour un mec comme lui. Il ne parvenait pas à saisir la moitié de son vocabulaire mais cela avait l’air de faire son effet sur Quenotte.

Aussi plaça-t-il ses mains sur le second tiroir, prêt à un nouveau jet, avant que la voix de Brèche s’élève et le surprenne réellement.

C’est qu’elle en avait dans le pantalon finalement, la discrète insensible, proie parmi les chasseurs. Leur tenant un discours tellement improbable et agressif tant à l’égard de la Maison qu'envers Richter – Richter bordel quelle victime ! – que même Feu-Follet choisit d'y réagir.

Fange eut un rire eraillé. La pointa du doigt dans un air goguenard. Le regard sec de tout sentiment.

« Bah non laisse la ouvrir sa gueule. Qu'elle vienne gueuler sur la justice et les lois de la Maison. Sur ce qui arrive quand on se montre trop imprudent… » Banshee mis à part mais finalement s’il n’avait pas disparu c’était lui qui l’aurait tué. Et Fange laissait courir cette rumeur bien plaisante.

« La Rouge viendra. La Rouge viendra et ça sera à votre tour de lui demander une action ou une vérité. »


De quoi marquer les esprits. Chacun ici savait que Fange l’avait déjà invoqué. Et lui-même vint suçoter sa phalange cicatrisée, sans cesser de sourire.

Puis en Roumain, il s’adressa à Quenotte.

« Je fais quoi ? »

Ils partaient, il attaquait ou il laissait la maison se déferler sur eux ?

Comme d’habitude, il était le chien. Elle tenait la laisse.






Alcatraz


Action ou Vérité ? [Fermé, les invités sont déjà prévenus de leurs arrivées] - Page 2 Snow
personnage : Longue gueule patibulaire d'adulte perchée sur un mètre quatre vingt cinq de puanteur caprine. Croyez le non, Alactraz a seulement dix sept ans. Dans ses bottes de sept lieux et ses vêtements de velours, il n'affiche pourtant qu'une mine éternellement sinistre. Morose jusqu'au bout des lèvres, grinçant à chaque parole. L’œil torve, éteint ou menaçant, il traîne partout sa fatigue morale et son irritabilité foudroyante. Difficile de passer à côté de l'inquiétant Alcatraz et de son amertume, difficile de ne pas frémir quand sa voix grave s'enroule hors de sa bouche comme une lanière de cuir cloutée de sarcasmes et de cynisme. Il fait bien dix ans de plus que son âge, et ce n'est plus tant la barbe ou la carcasse massive : c'est l'air désabusé, l'étouffante et morne aura macabre qui l'entoure constamment. Prenez garde à l'ancien Chef des Cerfs. Ne vous permettez pas des aises sous prétexte que son regard est souvent vague, mélancolique, qu'il semble tout compte fait s'éloigner des vivants un peu plus à chaque jour qui passe. Jamais il ne fut plus manipulateur et amorale qu'il ne l'est aujourd'hui, ni jamais plus violent, alors même qu'il a cessé son tintamarre permanent, sa comédie faunesque. Alcatraz était bien moins dangereux quand il faisait perpétuellement du bruit. C'est désormais qu'il a plongé dans un silence lugubre, désormais que son regard est triste, que vous avez toutes les raisons de le craindre. Pour peu que vous ne soyez pas un Cerf -auquel cas, il puisera au moins dans ses réserves déclinantes de patience et d'amabilité-, évitez le autant possible. On ne sait jamais quand il pourra frapper. Avec la langue, ou bien avec les poings.

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Naufrage humain
Naufrage humain
Alcatraz
Mar 23 Jan - 19:35
TADADADAAAAAAM

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Il voudrait,

Lui dire comme ses paroles sont justes, quand elle proclame qu'aux mots semés aux vents de leurs fureurs crachées, répondent autant de morsures en retour, combien de forêts lexicales ont germés dans leur bouche à force des années, cinglant des lèvres jusqu'aux oreilles à force de s'élever en hydres tortueuses, combien ces territoires en friche apparus sur leur langue volubile et trop prompte au claquement recèlent d'épines et de secrets, combien ces halliers de noirceur où pullulent leurs paroles sont désormais sauvages, échappent à tout contrôle, combien ces horreurs qu'ils se sont appliqués à glisser entre les syllabes acérées décochées en mitraille l'ont écœuré un peu plus à chaque fois, combien ces perfidies l'ont usé, jusqu'à ce qu'il n'en puisse plus une fois Banshee partis, décapé jusqu'à l'os par leurs échanges trop rogues.

Il voudrait lui faire remarquer qu'elle n'est pas moins coupable au jeu du jardinier, et qu'elle récolte elle même toutes les blessures qu'elle cultive savamment chez les autres, dans le terreau de leurs faiblesses suintantes, tous les tourments qu'elle inflige en connaissance de cause- pour survivre, pour assurer sa place, pour les contrôler tous, pour ne plus avoir peur -peu importe pourquoi-  elle procrée la douleur de ses mots ravageurs, la Quenotte  est une canine qui déchire jusqu'au cœur, un méchant crochet de serpent planté au sein d'une plaie. Ce n'est pas une dent de lait mais un croc affûté, une fée qui pique de ses aiguilles au lieu de bénir à coups de baguette magique ; s'arme de toutes ses pointes pour faire pleurer les mômes qui tendent la main vers elles. C'est une fée hérisson plus qu'un papillon de nuit. Une mite qui fait des trous au cœur plutôt que dans les chaussettes. Et chacune des tempêtes qui tentera de lui déchirer les ailes, Quenotte les aura accouché par ses propres battements, à force de voleter un peu trop près de leurs plaies. C'est pour mille de ces piqûres un peu trop douloureuses qu'ils en sont là maintenant.

Il voudrait lui gueuler sa colère au visage, lui renvoyer une armoire en réponse au tiroir, écraser les phalènes qui naissent à sa chevelure comme de petits pompons, mirages étoilées d'un champ de fleurs de poussière ; il voudrait s'excuser quand une lueur de peur lui palpite dans l'orbite, se réveille dans sa moelle, dans ses tripes, pour allumer au briquet de l'arme une cette détresse d'enfant ; il voudrait se rétracter tout de suite en un pardon sincère pour avoir réveillé en elle cette flamme de terreur, cette crispation muette. Et dans un même temps, il ne le veut pas tellement. Sauvage, mauvais, contemplatif. Il veut s'en délecter, se nourrir de cette peur engendrée par sa rage comme il se nourrit de la molle tendresse des Faons étiolés, la perpétuer en s'appliquant à saccager sa vie, la piéger dans son ombre, sarcophage de goudron, et jouer les croquemitaines comme il sait faire le chien. Il voudrait la punir d'avoir toujours lorgné Banshee avec des yeux trop doux, une bouche liquoreuse, poisseuse de baisers gourds pourrissants à ses lèvres, la punir de son adoration si semblable à la sienne. Mais il voudrait aussi qu'ils puissent pleurer ensemble l'absence du Grand Cerf Blanc, puisque nul autre qu'eux ne ressent si cruellement son manque. Il voudrait pouvoir partager ses craintes d'un silence éternel, et ses larmes de détresse muette, au moins avec elle qui l'a aimé comme lui, rire des souvenirs qu'il leur a laissé épinglés sur le cœur ; il voudrait qu'elle lui pardonne de n'avoir pas su le retenir parmi eux, qu'elle reconnaisse pourtant qu'il ne pouvait rien faire de plus, sinon être là jusque bout, quitte à ce que l'on en jase ensuite, qu'on en dise trop sur cette nuit moite et inquiétante au sein de laquelle s'est diluée la Cigogne. Il voudrait lui faire bouffer ses poings à la putain de princesse, jusqu'à la réduire à un draps d'ecchymoses, pour oser remettre en cause et depuis si longtemps l'amour qu'il porte si sincèrement à Banshee depuis le premier regard qui en aura trop vu. Il voudrait lui faire payer chaque insinuation infâme sur son implication dans la disparition, lui faire ravaler chaque œillade soupçonneuse et chaque parole piquante ayant mis en doute cet amour qui le le tue à petits feux, proliférant dans le vide, comme un cancer colonisant tous les recoins de son corps. Comme une démence venu pourrir son âme. Une maladie qui finira par lui ôter toute dignité s'il n'a pas totalement étouffé dans son rôle d'ici là ; jusqu'à la fin, il le sait bien, on ne verra en lui que l'indésirable remplaçant de Banshee. Mais la charge n'en est que plus pesante. Le rôle y gagne en exigence. C'est un suaire royal qu'on lui a légué sans questionner ses propres envies, et qui s'alourdira de moiteur sanglante jusqu'à l'entraîner dans une glissade scabreuse, droit vers la tombe et dans sa cours d'insectes ; avec chaque faon tué par le mal qu'il l'a conduit ici, chaque cadavre produit qu'il leur faudra cacher, chaque Sacrifice qu'il offrira lui même. Déjà cette année, pour la première fois, il a tenu le couteau et tranché la phalange d'un pouce exsangue, présenté au hachoir comme un cadeau de noël, avec le ruban de son garrot préparé à l'avance. Malgré les hurlements et les supplications, il a coupé ce doigt pour le déposer cérémonieusement aux pieds de la Grande Rouge. Puis il a lui même soigné le mutilé, tentant de lui expliquer la raison de son geste. Tentant de l'initier à leurs lois implacables, et réussissant presque à se faire pardonner à force de chaleur, de persuasion ronronnante, d'enveloppements fraternels. Banshee aurait fait mieux, bien sûr. Banshee était meilleur que n'importe qui d'autre pour ordonner le chaos et la violence du monde, nul ne pouvait mieux que lui s'attacher l'amour, la dévotion d'autrui. Il ne prétendra jamais pouvoir faire aussi bien. Et cela aussi, il voudrait bien lui dire. Qu'il n'a pas la volonté d'effacer le souvenir du Grand Cerf -ils s'en chargeront tous, ils l'oublieront consciencieusement comme ils l'ont fait de tous les autres, comme ils les le feront de nous, comme je l'ai fais moi même des autres Disparus-, qu'il n'aspire qu'à agir dans sa continuité. Qu'à suivre les enseignements qu'on lui a si habilement prodigué sans même qu'il s'en aperçoive, avant cet abandon. Il voudrait qu'elle puisse le comprendre sans avoir l'expliquer lui même, qu'elle prenne le temps de considérer les choses sous un angle nouveau.

Il voudrait lui répondre que s'ils n'ont pas à déclamer sous la tutelle d'un Ours, ils sont pour autant bien prisonniers de leur rôle, qu'ils l'incarnent si bien que le costume les happe, que leurs répliques cinglantes tiennent un peu du théâtre, et qu'il n'est pas le premier, ni le seul, à se laisser emporter par les excès de son interprétation ; qu'avec ses minauderies piquantes, ses sourires vénéneux et ses manières de petite dame sifflante, sa perfidie si étudiée qu'elle en devient charmante, elle est tout autant que lui enfermée dans un rôle, et victime de sa peur, quelle que soit le visage que cette dernière arbore.

Il voudrait, mesquin, lui ricaner au nez qu'un crétin de faune, c'est bien peu de répartie pour toute la détestation qu'elle berce à son absence de giron ; mais en même temps ne le souhaite pas, car il n'y aurait là que l'expression de son orgueil blessé, et plus aucun désir de leur arracher à tous -à elle, à lui et aux vautours- des vérités poisseuses, rien qu'une nouvelle giclée d'huile crachée d'entre ses lèvres pour faire tanguer un peu plus l'incendie. Il voudrait l'inciter à faire mieux dans sa rage, lui décocher un compliment moqueur, lascif,  sur sa voix de charbon digne d'un cabaret, enrouement délectable annonciateur de larmes. Il voudrait pouvoir se réjouir de cette ondée qui vient battre l’aquilon à ses paupières voltigeuses aux aquarelles nocturnes, mais à la voir ainsi, Quenotte, la petite reine, perdre pied face à lui, bondir enfin en dehors de son foutu coutume aux barbelés véloces, une culpabilité de bon ton se mêle à son triomphe. Tout en sachant pourtant qu'elle n'aurait aucun regret à devenir son bourreau, qu'elle enverrait volontiers Fange pour le tuer dans son lit, et que ce ne serait pas la première fois qu'elle userait de son Chat pour porter sa justice mesquine ; que de le savoir, il pourrait bien chercher à prendre les devants pour la priver de son frère. Qu'il n'hésiterait pas à les anéantir s'ils devenaient tous deux un danger trop sérieux. Qu'il en a les moyens, n'en déplaise aux jumeaux ; qu'il a noué dans la Maison ses propres relations. Qu'il a été suffisamment prudent pour ne pas compter uniquement sur ses poings, qu'il y aussi dans son coin du dortoir quelques armes qui dorment. Que si Fange s'y connaît en lancés de tiroirs aussi bien qu'en couteaux, qu'il est déjà trop familier du meurtre, il n'a lui même en Grand Bouc, jamais méprisé l'utilité d'une lame (j'ai laissé des zébrures à de méchants matous quand j'étais un chien fou dans un meute pelée), est bien assez salaud, pour envisager le meurtre. Et qu'enfin, une explosion sanglante de plus ne leur arracherait à tous qu'un vague haussement de sourcils. Qu'aucun d'entre eux n'est essentiel à la Maison malgré son influence, qu'ils rejoindront tous les étroits abîmes de l'oublie bien plus tôt qu'escompté. Qu'il ne restera d'eux que les traces anonymes des blessures dans les murs, quelques déliés entrechoqués au fatras des archives ; peut-être bien un spectre, dans l'Envers. Il voudrait lui vomir tout ce qui bouillonne d’orgueil imbécile au sein de sa carcasse, la souffleter d'une démonstration de force bien sentie, et stupide. Il voudrait être assez intrinsèquement morale pour ne pas y songer. Il voudrait que Banshee  soit là, quelque part dans son cœur ou creux de son oreille, prodiguant les bons mots, effectuant les bons gestes, mais il n'existe plus qu'à travers son absence. A l'instant, il n'y a aucun écho. Peut-être bien n'y en a t'il jamais eu. Peut-être est-il parti en emportant aussi ses souvenirs au passage ; et qu'importe après tout. Il voudrait pouvoir simplement en créer de nouveaux en compagnie du Blanc.

Il voudrait lui rappeler avec lassitude qu'elle a choisi son rôle comme il l'a fait lui même -quoique probablement acculée au bout d'un certain temps par les regards adverses, comme c'est toujours le cas-, qu'elle a lui a généreusement donné tout autant de substance qu'il s'échine à le faire dans son horreur faunesque. Qu'elle mérite son titre de salope vicieuse comme il justifie par son comportement celui de connard indélicat ; que les raisons qui motivent leurs actions n'importent pas à ceux qu'ils divertissent. Ni ceux là dans le grenier, ni même tous les gamins pour lesquels ils s'agitent avec tant de fervente conviction tout le reste du temps. Il voudrait lui demander, presque sincèrement au fond, dans l'espoir d'y trouver une réponse salvatrice, quel serait l'intérêt qu'ils puisse nommer les rouages qui engrangent leurs actions. En quoi ces mômes gagneraient-ils à préférer la clairvoyance au jugement ? Ont-ils besoin de pouvoir expliquer leurs actes afin de profiter de leur esthétisme théâtrale ? Le spectacle qu'ils offrent ne gagne t'il pas à préserver une part de son mystère, n'en sont-ils pas plus incroyables de démence et de grandeur encore ? Qui se soucient de connaître leurs douleurs passées quand il est possible de se repaître de leurs résultats ? Il voudrait lui dire d'accepter son fardeau. Lui faire part de l'ironie de la situation, car elle même, a t'elle déjà pris le temps de s'appesantir réellement sur son cas de Grand Bouc ? Lui dire qu'elle n'est pas moins coupable qu'eux tous de buter contre les apparences. Que son regard à elle aussi est une putain de cage- un abîme de grisaille, Tartare brumeux au sein duquel ils semblent tous captifs, et pitoyables. Il voudrait lui rappeler toutes ces fois où il a essayé, bien en vain, de faire le premier pas pour enterrer la hache de guerre. Ces occasions piétinées qu'ils ont eu de faire tomber les masques, d'entreprendre un pas de danse sur leurs éclats mêlés, ces mains tendues pour lesquelles elle n'a eu que mépris ou dégoût ; auxquels il a toujours fait succéder, par orgueil, ses propres rictus moqueurs, ces provocants au fond tant pis, qu'est-ce qu'est-ce qu'on s'en branle.

Qu'est-ce qu'on s'en branle que tu ne veuilles pas de la paix, qu'est-ce qu'on s'en branle que les messes basses persistent, qu'est-ce qu'on s'en branle qu'aucune amitié ni aucune trêve ne soit possible entre nous, qu'est-ce qu'on s'en branle qu'est-ce qu'on s'en branle qu'est-ce qu'on s'en branle,
Banshee a disparu, qu'est-ce qu'on s'en branle, ça nous arrivera tous, regardez moi je danse, la vie est un théâtre et rien n'a d'importance, je continuerais de sourire quand tout s'effondrera autour de nous, je pisserai sur les braises de la Maison en ruine, je resterai debout même une fois dévoré de l'intérieur, je ne vous montrerai pas l'horreur tapis à l'envers de toute cette comédie, je vais prétendre pour vos beaux yeux que tout va bien, tout ira bien, qu'il fait soleil dans tous nos cœurs ; Banshee nous a quitté oui, qu'est-ce qu'on s'en branle pas vrai.


Il voudrait lui rire au nez pour éviter de gueuler, car chaque fois qu'elle le regarde, chaque fois qu'elle lui adresse la parole, chaque fois qu'elle apparaît quelque part dans son champs de vision, comme un foutu phosphène persistant à hanter sa cornée, elle fait à sa conscience des murmures fielleux, démentiellement insidieux, des petits mots doux glissées au creux de l'Absence. Qu'il y a Banshee dans son regard, Banshee entre ses boucles, Banshee dans la dentelle de ses robes de princesse. Dans chacune de ses moues, dans ses amples roulements d'yeux, jusque dans l'humidité ensommeillée de ses cils, il y a Banshee. Et le rappel incessant qu'il aurait pu faire mieux, qu'il aurait pu le retenir, le convaincre, lui extorquer quelques réponses avant qu'il ne s'étiole- qu'il était le mieux placé pour y parvenir, plutôt que de se retrouver aussi perdu qu'eux tous. Quenotte est le réquisitoire incarnée de sa propre conscience, la culpabilité faîte chair agrafée sous son nez, et il aimerait parfois pouvoir la révoquer d'un claquement de doigt ou d'une incantation- qu'elle disparaisse, la fée-corbeau dont chaque apparition est comme une petite mort ; et pas de celle qu'on accueille avec un râle heureux. Plus volontiers encore, il la tuerait de ses mains, pour faire expirer les vérités insoutenables qui se trémoussent à ses lèvres. Secrets de polichinelle qui s'enroulent à sa langue, s'y vautrent dans le venin, s'exhibent avec provocation derrière un voile faussement pudique de sous-entendus ne s’embarrassant plus d'aucune subtilité. Qu'elle est obscène cette bouche quand elle carillonne trop juste, qu'on voudrait la faire taire ! Dans un voluptueux bouillonnement de sang, un foisonnement d'émail brisé... Faner ses lèvres pourpres d'un baiser des phalanges. Y mettre plus de cris et un peu moins de paroles. Dangereuses. Immondes. Pourquoi donc s'échine t'elle à refuser d'évidentes vérités au profit d'autres, plus sordides à concevoir, à révéler ainsi ? Il n'était pas bâtard cosmique avant d'arriver là- rien qu'un chien errant de plus sur le squame des trottoirs, les griffes en bandoulière, les crocs brandis, pour des sourires narquois autant que des morsures. Il n'est certes pas dévoué de si bon cœur que ça ; et il n'est pas aussi inoffensif qu'il aimerait à le faire croire. Oui, Raspoutine est un menteur, un croquemitaine aux airs de bouffon, un faune édulcoré n'osant laisser parler sa chair qu'une fois loin des regards, une chimère un peu moche entre le chien et la chèvre. Un prodigieux et bienveillant menteur. Et alors quoi ? Il se donne tant de mal pour incarner ce mensonge, pour devenir celui qu'il prétend être, un peu plus frère, un peu moins Bête. Afin de jouer son rôle. Ils en sont tous réduits à cette extrémité. Prisonniers d'une image et de leurs attitudes, comme ils le doivent, car il s'agit de la Loi de la Maison. Tenus en joug par le regard des autres. Car il ne peut pas en être autrement quand on aspire à s'élever du bouillonnement de la plèbe pour s'improviser guide, symbole ou catastrophe humaine, et Banshee le savait. C'est sans doute la raison pour laquelle il s'est laissé disparaître sans donner à personne la moindre information. Pour faire honneur à son rôle jusqu'au bout, pour cultiver le mystère, en digne chef des Cerfs. Qui peut prétendre cependant avoir vraiment compris les conceptions de Banshee ?

Il voudrait lui dire, à la Quenotte, si prompte à la condamnation, qu'elle ne l'a peut-être pas connu aussi bien qu'elle le croit. Qu'elle devait même en être loin pour n'avoir pas compris qu'il agit, dans toute son outrance faunesque, en accord avec les principes sentencieusement appris par le Grand Cerf lui même. Qu'il serait cruel néanmoins de lui jetter au visage, à l'amoureuse éplorée, que son Cerf Blanc avait pour elle des secrets, des attitudes légères, qu'elle n'a jamais soupçonné jusqu'alors...

(Quenotte est amoureuse de toi Banshee. Tu le sais.
Oui, bien sûr. Mais Quenotte est plein d'autres choses aussi, et c'est plus important. Elle ne se définit pas uniquement par ce seul sentiment. Amoureuse, ce n'est qu'une de ses particularités parmi tant d'autres. Il y en a de plus évidentes encore qui la définissent. Pour commencer, elle est drôle.
Ta clairvoyance est légendaire monsieur Cigogne, mais, vraiment, ce n'est pas exactement le premier mot qui me viendrait à l'esprit pour la décrire. Je verrais plus quelque chose comme...
Cheveux ? Ce serait le premier pour moi. J'aime ses cheveux. Ils sont beaux. Et relaxants, quand on les tresse. J'adore malaxer ses boucles épaisses, glissantes. Ô Rasti... C'est jouissif. Vraiment, très thérapeutique. Ceci-dit, pour en revenir à notre divergence d'opinion, tes relations avec elles ne sont pas les même que celles que j'entretiens ; moi je l'ai vu grandir. Et elle a su resté amusante et mignonne malgré la (presque) puberté qui a finis par s'installer dans son petit corps crémeux- une adorable phalène-bonbon tourbillonnant entre mes doigts. Je l'apprécie Rasti. C'est un faon que j'ai presque élevé au biberon, tu sais, en quelque sorte, avec toute cette histoire de mutisme qu'il a fallu régler pour qu'elle entre en fonction. Je ne peux pas rendre à mon bébé l'amour singulier qu'il me porte, non ? Ce serait malsain, tout de même.
Ce n'est pas moi qui t'en ferait la demande, ah ! Mais, puisqu'on en parle, je suis aussi un de tes faons espèce de grand machin. Alors...
Non non Rasti, tu es notre chien de garde. Mon merveilleux toutou.
... Ce n'est pas  une comparaison plus rassurante qu'un éventuel retour aux sentiments de Quenotte, étant donné la nature de nos relations.
Je sais Rasti. L'amour est anxiogène, non ?
J'y vois plutôt un regain d'oxygène.
La poésie ne te sauvera pas.
Me sauver de quoi ?
De moi Rasti.
Je me chie dessus très cher amour.
Je sais... et c'est de bon ton. Mais tu sens toujours bon.
)

Et il savait oui, combien il avait peur. De sa propre noirceur et de se voir grandir. De ce long ruban de temps sur lequel il glissait, et qui l'étranglerait. Il savait combien ce gorgement spontané d'adolescence, chair et poils amassés en tumeurs, centimètres gagnés l'approchant des plafonds, l'horrifiait alors même qu'il prétendait le contraire. Il avait les mots, les solutions, pour lui apprendre à dompter cette carcasse infâme. Qu'est-ce que Quenotte peut comprendre à cette horreur de voir son corps changer ? Avec tant de subite frénésie, quand ceux des autres gardent encore captifs dans leurs joues, leurs épaules ou leurs torses quelques rondeurs d'enfance, se parent à peine des premiers signes crochus d'une maturité griffonnée ci-et là, et qu'ils ne possèdent pour certains qu'en apparence. Il voudrait le lui dire, le lui grincer mesquinement, qu'ils n'ont pas tous la chance d'échapper aux altération tortueuses de la puberté. Qu'ils ne peuvent pas tous se payer le luxe de garder un corps d'enfant pour éviter de faire tâche, pour être en harmonie avec la liesse juvénile de la Rouge. A quoi bon cependant ? Puisque l'esprit grandit inexorablement, même quand la chair est privée d'épanchements. Ce n'est pas cette barbe en friche qui fait de lui un adulte avant l'heure ; ce sont les pensées qui s'infiltrent à travers son esprit, la chose qui gratte tout au fond de lui, comme le dit (l'incise) si bien Quenotte... Le faune qui remue quelque part, ample et visqueux, et qui n'aspire qu'à déborder de la nuit dans laquelle il s'étend jusque sur ses journées. Souillure vivante peuplant ses tripes rage latente nourrie de peur, de frustration, d'envie et de colère. Une part de lui aimerait lui dire, raconter cette bête là, révéler sa présence pour goûter à sa peur, voir l'horreur sur ses traits. Lui susurrer avec exultation combien le faune la trouve jolie. Qu'il la dégusterait avec délice, du bout des doigts comme à pleine bouche, croquante de pâleur chocolatée, emplie de liqueur moirée, qu'il s'en irait volontiers lui effriter les os. Il aimerait lui parler de cette violence mêlée d'érotisme, et la voir écoeurée, apeurée, face à cette crasse adulte qui se gorge au dedans. Changer son regard de chien en une œillade faunesque, pour qu'elle l'observe non plus comme un guignol, mais comme l’animal dégénéré qu'il est sous l’oripeau des apparences humaines. Une créature malade et maniaque. Lui laisser entrevoir comme il serait facile de lâcher prise, de cesser de faire de son mieux, pour laisser se répandre toute son âme ordurière- combien elle détesterait plus encore ce qui se cache derrière cet engouement de chien fou par lequel elle justifie le dégoût qu'elle lui porte. Il aimerait lui dire comme il se fait horreur parfois, quand cette voluptueuse noirceur remonte à sa conscience, s'exhalant d'un abîme qu'il n'a pas vu s'ouvrir, mais qui doucement se creuse, et respire dans son âme. Il voudrait lui parler de sa honte comme s'il la chérissait, afin de l'épouvanter. La brandir pour mieux la fustiger, mieux l'effrayer, gueuler et rire un oui c'est vrai, je ne suis pas si gentil, et ajouter à sa flamboyante comédie quelques nuances de rage. De rouge. C'est tout ce qu'il y manque après tout, un peu plus de colère, du rouge fureur ; du rouge chaleur, de chair. Une sensualité non feinte, fangeuse, pour parachever la fresque poisseuse qu'il compose à lui seul. Puis il pétera les plombs au moment des Départs. C'est bien ce qu'on attend de lui, n'est-ce pas ? De l'écume et du sang. De la terreur et de la folie. Une dernière panique ; pour faire honneur au roi des faunes, le maître des débâcles. Il est capable de ce débordement enfiévré, tout prêt de la sauvagerie qui courtise ses humeurs. Banshee le savait, l'aimait aussi pour ça. Et il le sait lui même. Quenotte le sait. Et Brèche aussi, sans doute, avec ses yeux blessés, pressent cette violence qu'il s’évertue à maintenir cachée ; pas suffisamment bien.

Car c'est ainsi, qu'il s'en lamente ou non : Raspoutine est capable du meilleur comme du pire. Est autant saint-bernard que monstre du placard. Elle n'est pas dupe, Quenotte. Il voudrait lui dire l'injustice de ces jugements qu'on porte sur ce qu'il pourrait être plutôt que sur les actions raisonnées -quoiqu'on en dise- qu'il s'évertue à cumuler depuis le départ de Banshee, et qui ne sont pas perçues pour ce qu'elles sont vraiment. La cruauté qui réside au sein d'une conviction ; celle de sa chute et d'un désastre dont il serait la cause. Pourtant, a t'il jamais laissé éclater la bestialité qui s'agite au fond de lui ?

Et ne le devrait-il pas, finalement ? Pour son propre bien et le malheur des autres, pour ce qu'il importe au fond. C'est laid, une humanité qui s'affole et se déchire, faillit face à le pesanteur des sentiments furieux, puis s'écroule dans le charnier des pulsions refoulées, des émotions recluses. Assemblées d'horreurs conjurées. Un monstre relégué au royaume d'outre-éveil qui se hisse jusqu'au jour pour y danser sauvage, dans ses lambeaux d'écorché en mue vers la terreur ; ce serait peut-être plus facile à vivre qu'un Grand Bouc éploré. Peut-être incarnerait-il mieux un cauchemar qu'un grand frère.

Il voudrait lui dire que tout compte fait, elle a sans doute raison de ne pas l'apprécier. Que lui même ne s'aime pas tellement une bonne partie du temps. Il voudrait se complaire dans des lamentions. Il voudrait se défendre. Il voudrait lui faire mal. Et demander pardon. Et il voudrait qu'elle puisse lire dans son crâne, et que Banshee soit là, et n'avoir que raison, et pouvoir laisser simplement les mots et regards de côté, abandonner tous les carcans pour mieux brasser le feu qui s'en remonte parfois galoper dans ses yeux ; tourbières peuplées de feux follets, dégueulis de marais. Il voudrait pouvoir les y noyer ou bien les immoler, tous ces gamins ignobles. Il voudrait tendre un mouchoir à Quenotte,  un pan de sa chevelure dans lequel se moucher ; certains enfants aiment y enfouir leur visage larmoyant dans un baptême d'arabesques boueuses où s'entremêlent poussière, sueur,  terre et fumée. Et puis ils se sentent mieux- quand cet enfant est Sables, paisible, on en compose ensuite des poèmes comparant ses mèches entremêlées à des bâtons d’encens. Il voudrait pouvoir se moquer de la question qu'elle a choisi de poser, brocarder cette suspicion persistante, ridicule. Lui japper un rire haut, et s'effacer dans une goguenardise faunesque, se gausser de l'aveuglement de Quenotte face à une évidence pourtant si ressassée depuis ce mois de juillet où la Maison est devenue une prison.

Comment est-il possible qu'elle n'ait toujours pas perçu mon amour pour Banshee ?

C'est à mourir de rire. Quenotte si rusée, si clairvoyante et renseignée en tout. Quenotte dont la mémoire et les carnets regorgent de secrets, de petites hontes récoltées, archivées, n'attendant que de fleurir dans leur corset d'épines sur le charnier de sa bouche. Tant de silences anxieux cajolés par sa prose, prêts à se dérouler tendrement sur sa langue. Et pourtant, ils en sont encore là. Confrontés à cette méfiance absurde. Ils en sont encore sur cette accusation. Sans doute, quelque part, devrait-il être fier ; c'est que son numéro de Grand Bouc bienheureux est crédible, que ni sa douleur ni son inquiétude n'ont jamais transparus. Qu'il a su agir comme tous sont censés le faire quand un amis les quitte, pour le tombeau, l'Extérieur ou l'Envers. En s'évertuant à ignorer l'absence, à ne pas en parler, à faire comme si personne ne s'évaporait à chaque nouveau départ. C'est ironique, à bien y songer... Il a été plus respectueux des règles de la Rouge que la studieuse Quenotte, en se refusant à parler de Banshee. En jouant si bien son rôle que même la fée fouineuse s'y est laissée piéger dans les nœuds de sa rancœur. Mais c'est qu'elle le voulait bien, au fond. Qu'elle n'attendait qu'une bonne raison de pouvoir le détester ; ou une de plus, suffisamment importante, suffisamment horrible, pour lui refuser à tout jamais le bénéfice du doute. Abolir à jamais le pardon. Et quoi de pire que de l'imaginer corrompre le Cerf Blanc de sa lubricité supposée, quoi de pire que de lui imputer des ambitions meurtrières, un goût pour le complot, une emprise délétère ; que d'en faire le maléfique et concupiscent Raspoutine de ce royaume carmin, l'homme (et plus l'enfant) à abattre. C'est si simple après tout, quand on sait qu'il déjà été l’ami proche d'un autre disparu, qui, lui aussi, hasard curieux, lui a légué son trône. Un autre adepte des aiguilles. Trépassé de manière certaine néanmoins, quand certains prétendent que Banshee aurait rejoins l'Envers. Et si seulement c'était vrai... Si tout était si simple.

Alors il pourrait lui donner une réponse. Puisqu'elle tape du marteau sur son crâne, enfoncer le clou dans le sien en laissant supposer que Banshee lui a confié des choses, qu'eux tous, les presque-riens, méduses à la dérive, ignorent encore maintenant ; se rengorger de savoir qu'en vertu de leur lien particulier (il t'a élevé et tu l'aimais ? Il y a donc toujours quelque chose de malsain entre toi et tes frères... ?), il a été le dernier confident, suffisamment proche, suffisamment spécial, pour ne pas être abandonné au milieu du brouillard.

Mais voilà. Il n'y a pas de vérité de ce genre. Il n'y a pas de réponse. Pas de solution à cette énigme. Car n'en déplaise à Quenotte, n'en déplaise à son propre cœur malade, n'en déplaise à tous les putains de complotistes boutonneux de la Rouge, Raspoutine ne sait rien de plus qu'eux tous. Et peut-être bien finira t'il par en crever, pour leur plus grand plaisir.

Alors, il voudrait simplement hurler son raz-le-bol face aux accusations qui sont autant d'insultes à cet amour en pourrissement qu'il a eu le malheur et la bêtise de porter à un foutu Cerf Blanc ; trop évidemment destiné à la dissipation. Alors, il voudrait lui dire avec ses poings combien être vu comme un parfait bourreau quand il n'est qu'une autre victime de Banshee (de son absence, foutu spectre, sublime torture, de son génie, putain d'archange) lui est insupportable. Il voudrait gueuler son propre réquisitoire aux visages de tous ceux qui ne voient en lui qu'un monstre. Il voudrait parler à quelqu'un de sa culpabilité dénuée de sens et de raison. Il voudrait avoir tourné quelques phrases autrement. Et il voudrait savoir parfois se taire, ou en dire encore plus.

Il voudrait

Il voudrait avoir déjà articulé tous ces mots qui se sont formés dans son crâne plutôt qu'au sein de sa gorge.

Il voudrait lui dire toutes ces choses les unes après les autres, la mitrailler de paroles, car c'est bien vrai qu'il a toujours beaucoup trop de mots en gorge.  Qu'il n'a jamais appris à fermer sa sale gueule. Et qu'il n'a pas finis de brailler. Qu'il lui reste même tout un capharnaüm déverser sur eux.

Mais il n'y aura pas de mots prononcés pour tout ce qu'il voudrait dire. Pas de temps dévolu à chacune de ces choses qu'il aimerait mettre au clair. Car il y a là une chance à saisir à tout prix.

Le Grand Bouc s'emplit d'air pour préparer le concert, pour disperser un peu toutes ces nuées de paroles. C'est dur, d'éventer ce dense nuage de mots. Les mains crispées sur les genoux, le dos creusé d'un sillon qui projette sa poitrine en avant, les yeux toujours fixés sur l'oscillante Quenotte- qui pleure, presque. Prenant conscience que ses propres yeux ondoient aussi dangereusement face à -enfin- un peu de cette franchise qu'ils se refusent toujours ; face à cette souffrance qui, une fois débarrassée de sa bogue, de ses voiles cloutés, fait en réalité trop écho à la sienne. Il n'est plus tout de sourires, de gestes emphatiques. Il est de souffles hachés, de larmes et de poignards, mais un pont s'est finalement créé entre eux, branlant et plein de promesses. Incertain et sanglant. Miraculeux, fugace.

Alors Raspoutine prends le temps de se calmer le cœur, d'inspirer profondément et de repousser le babillage abscons qui cherche à s'emparer de ses lèvre. Puis il s'avance pour emprunter ce point construit aux prix  de tant de piques échangés.

Mais quelqu'un s'y engage dans un bond kamikaze. Mettant à mal tous ses efforts pour ne pas exploser en gueulantes bestiales, en vrilles de crocs et de poings. Quelqu'un s’immisce dans leur confrontation, car voilà, c'est bien bête, mais ils ne sont pas seuls.  Et certains spectateurs ne supportent pas le spectacle.
Un rongeur file entre leurs pieds, s'impose au sein de la scène. Puis se met à couiner plus fort qu'aucun d'entre eux ne l'attendraient d'une sourie si discrète. C'est presque un flottement quand elle parle tout d'abord. Une intervalle de vide qui précède la formation des mots jusque dans l'air de poussière du grenier, un petit moment de rien, un temps mort.  Une arabesque de silence qui s'enroulent devant eux sans qu'ils n'y comprennent rien.

Et puis

Brèche déraille au gré de ses syllabes, pète les plombs immolée par la rage. Ils ont foutu le feu à ses nerfs à force d'étincelles jaillies d'entre leurs lèvres, si affûtées qu'elles tenaient du silex. Leurs volontés entrechoquées s'explosent en gerbes touffues d'incendies, ronciers de feux qui ont germés à l'oreille et au cœur -qui communiquent souvent, battant à l'unisson-, et c'est la Brèche qui s'enflamme comme un épouvantail. C'est ça de faire la guerre, de gicler la mitraille, d'éparpiller partout les incandescences acérées du langage. A se lancer ainsi dans les hostilités, ils ont fait leur premier dommage collatéral, victime indirecte de cette joute verbale ; cette guerre des mots, des vérités et des amours bafoués, par l'absence ou le désintérêt. Une biche est blessée. Touchée en pleine tête- dans le centre de la raison qui s'escampe et flétrit. L’hémorragie est inévitable. Elle saigne sa violence plutôt que des sanglots.

Ils l'ont rendu barge, et elle gicle sur eux. Pisse les mots comme du sang. Ils ont tranché une artère au niveau du cerveau, pire qu'à la carotide, ses pensées les arrosent en un jet visqueux, magmatique, écœurant. Les souillent, en fait. Bien plus qu'ils n'ont pu le faire entre eux, avec tous leurs délicats persiflages, leurs artistiques lancées de piques ; aucun de javelots fuselés entre leurs lèvres n'aura pénétré aussi profondément, en un point si sensible, que celui projeté par la Loire. C'est pire que n'importe laquelle des saloperies qu'ils ont pu s'échanger, c'est de loin plus horrible que toutes  leurs mesquineries.  En quatre mots elle outrepasse l'infâme, se fait la doucereuse incarnation de l'horreur. Se permet des paroles qu'ils n'ont jamais prononcé à haute voix, pas même pour se blesser, pas même par cruauté ou masochisme. Brise un tabou que même leurs querelles n'ont jamais abordé au-delà de l'insinuation.

Elle ose proférer une idée interdite. Donnant corps aux murmures qui pourrissent la baraque, à ces pensées reniées qui l'ont visité aux heures les plus obscures.

- Il est mort, non ?
Le tiroir mis à mal fleuris d'une nouvelle gerbe ; éclate entre ses mains en explosion d'écharde. Champs d'épines dans ses paumes. C'est une réaction simple, instinctive, mécanique, à une question simple, intolérable et suicidaire. La seule limite à ne pas franchir pour maintenir la tension  actuelle à un niveau raisonnable, ou tout du moins se garder d'une perte de contrôle réellement inquiétante, vient d'être outrepassé d'un entrechat distrait. Rien que ce délicat basculement de ballerine. C'est donc la raison pour laquelle que les petites souries ne prennent jamais la parole, ou bien en chuchotant. Car quand elles se mettent à déblatérer DE GROSSES PUTAINS DE CONNERIES, on est pris de l'envie irrépressible de leur aplatir l'échine en appuyant du pied sur leur dos flexueux, conçu pour la révérence, la soumission atone. De les renvoyer au silence qui leur sied si bien, en écrasant leur colonne vertébrale si prompt à la dislocation. De les faire cousines en échardes des peaux de bêtes écorchées- étalées et fleuries en sanguinolences carnées sur le sol. De leur couper la langue avec leurs propres dents en faisant s'entrechoquer brutalement leurs mâchoires molles. De les rappeler à leur vulnérabilité, à laquelle on consent d'aimables acquiescements.

Il pourrait la tuer, juste là, sans même y porter une réelle attention, comme il a fait voler le tiroir en éclats. Il pourrait la cogner sans rien ressentir d'autre que la vague impression de voir la scène d'ailleurs, d’assister simplement à une mise à mort. A vrai dire, il se lève. Sur ses jambes infinies, il se dresse. Dans un torrent de cheveux, une interminable cascade de boucles brunes filigranée de feu. Pèse de toute la lourdeur de ses épaules massives, voûtées, un quintal dans chaque poing, avec les bras qui tombent comme deux longs gourdins de chêne. Le poids de la violence fait ses phalanges de plomb. Et son ombre s'étend sur le sol comme une grande flaque d'huile, déversement de pétrole, aussi noire, aussi puante, aussi profonde. La lumière conspire à la répandre sur le sol du grenier, à travers les vermoulures et les tavelures du bois, à creuser cet abîme qui se déchire vers Brèche. Mieux vaut encore y finir engloutie que de faire face au monstre.

Sa rage, son écœurement et sa surprise sont tels qu'il lui montre les dents. Sa bouche trop lourde lui échappe, bée et se décroche de son visage hirsute ; se tord, puis se crispe comme couleuvre pourpre. Flexueux cercle de chair vibrante, malmené par la contorsion, la pression déformante. Elle se contracte avec fureur, hostile. Dévoile ses armes bien brandies, darde sa langue d'ardent velours. Un portail s'ouvre vers ses dents. Longues, épaisses, carrés, faîtes pour broyer impitoyablement au gré d'amples mastications, de colossaux mâchonnements de bête fauve. Fichées dans une mâchoire si large et si puissante qu'elle semble être en mesure de briser jusqu'aux os pour déterrer leur moelle. Et cette bouche terrible se soulève, se hérisse, se projette à la gloire de la reine des souries. Il a suffit de quatre mots... Et cette intonation. Et ce regard absent ; cette intrusion dans leur conversation, d'autant plus insolente qu'elle outrepasse un interdit que le bon sens de chacun a maintenu jusqu'alors. Et quand bien même une part de Raspoutine reconnaîtrait en temps normal qu'ils l'ont bien mérité, à imposer ainsi leur colère aux autres enfants présents, qu'il est cruellement mais justement punis pour avoir utilisé leur présence afin de contraindre Quenotte à la confrontation, il n'y a ni dans ses yeux, ni dans son expression, ni dans le moindre recoin de son crâne ne serait-ce que l'ébauche d'une pensée pour tempérer son ire. Car l'heure n'est pas à la mansuétude ou la compréhension. Il n'exhale en l’instant rien d'autre qu'une colère cataclysmique, à la mesure de sa nature faunesque. Qui scelle du plomb au sein de ses mains, mue ses phalanges en pierre.

Il ne trouvera aucune excuse à Brèche pour ces paroles en l'air. Pour ce pétage de plomb dans les règles de l'art, démonstration d'émotivité nuancée aux trémolos de la voix, il n'aura pas la compassion du Grand Bouc amicale. Il n'est pas frère, ni chien, ni cerf. En l'instant, c'est un monstre, tout de cornes, de fourrure, de puanteur sylvestre ; il n'y a pas d'Envers pour altérer la réalité de son corps adolescent trop lourdement sculpté, amas dézingué de viande crispée, entassé dans des volutes de chevelure fangeuse, il n'y a rien qu'un pas fait hors du cadre de la comédie... Du rôle. Pourtant, cela suffit à révéler la bête. Derrière le costume en lambeaux par lequel sourde et palpite l'horreur ignominieuse.

Elle n'arrange pas son cas, à jacasser de la sorte. A leur gueuler qu'ils agissent avec puérilité, que leur bataille acharnée pour l'amour d'un absent est tout au plus risible- au pire, totalement vaine. Et elle braille pour Cocarde, pour les tous les sacrifiés aux noms dilués, les petits corps désarticulés, écorchés -ou pire, tout simplement vaporisés- qu'ils ont enfouis entre les murs et dans les terres avoisinantes. Leurs terres spongieuses, vivantes, charnelles, bien plus imprégnées de sang que de pluies tropicales. Elle gueule pour protester contre l'horrible vérité, pour leur pointer du doigt cette réalité sordide : ils vivent, se chamaillent, s'entretuent, au-dessus d'un cimetière. Roulent et ronronnent comme des chats enragés, s'envoyant des coups des griffes, marquant leurs territoires, s'échangeant de tendres regards de prédateurs, des sourires semés de crocs. Et ils le font sans remords dans ce vaste ossuaire. Tout simplement, tout cruellement. Ils s'acharnent à perpétuer une mauvaise blague qu'ils n'ont même pas prononcé, héritée de générations passées d'éclopés et de malades, dans cette Maison putride qui borde ses enfants avec autant d'amour qu'elle en met ensuite à leur sucer les os. C'est absurde. Et Brèche, Brèche gueule pour cette sanglante idiotie, ce carnaval macabre.

Croyant peut-être naïvement les mettre au courant, leur faire ouvrir les yeux ? Quand ils ont en vérité accepté d'y prendre part en toute conscience de cause. Qu'ils ne sont pas plus innocents ou plus coupables que ne l'ont été les morts. Tous menteurs, tous candides. Tous immoraux et névrosés. C'est ce que fait la Maison. Elle les sculpte poreux, plein d’aspérités, déglingués jusqu'à l'âme, tordus de corps comme d'esprit. Elle les arrange à sa manière, creusant d'autres détours à leurs silhouettes fracassées, ajoutant des dentelures à leurs âmes farouches, des brumes au sein de leurs yeux, des sutures à leurs lèvres. Tendrement, elle les étouffe, pourvoie à leurs blessures, puis elle y passe le baume. Elle les grignote et les recrache, leur fait refuge dans ses viscères, leur offre l'infinie, puis oblitère à nouveau l’horizon de ses murs suintants de secrets. La Maison crée des familles qui n'existeraient pas En-Dehors, elle crée des règles qui ne sont pas plus terribles ni plus hypocrites que celles de l’Extérieur. La Maison pourvoie à leurs excès, merveilleux terrain de jeu, vaste cocon carmin où peuvent se tisser paisiblement, dans un froissement de peau malade, leurs chrysalides adolescentes miteuses. La Maison n'est pas pour autant bienveillante envers tous. Elle n'est pas que douceur. La Maison est terrible, et elle entend qu'on la révère, qu'on la respecte, c'est une mère sévère. La Maison est cruelle, et elle ne pardonne pas toujours les erreurs de ses très chers enfants- c'est parfois à la première taloche qu'elle les écrase au sol ou qu'elle les engloutit. Certains l'apprennent à leurs dépend, tandis que les autres l'apprennent par l'écoute, le questionnement, l'observation et l'expérience, comment tourne ce petit monde tout Rouge. Il y a parmi eux des malchanceux, des persécutés, des morts injustes. Comme partout ailleurs. Et comme partout ailleurs, il n'est guère de bon ton d'évoquer toutes ces choses. Mais Brèche est en dehors d'elle même, transportée par une émotion si impérieuse qu'elle lui fait perdre la prudence de vue. Et Raspoutine n'est pas en état de la rassurer comme il s'appliquerait à le faire en temps normal. Pas cette fois-ci. Il n'a pas les ressources émotionnelles suffisantes pour faire preuve à son égard de bienveillance, pour calmer cet accès de colère et de panique. Il n'y a pas assez de compassion en lui en cet instant, pas assez d'empathie. Quand bien même il comprendra plus tard les raisons de cet éclat, quand bien même il lui pardonnera les mots interdits avec lesquels elle a ouvert le bal, il n'y a pas de place dans ses pensés pour un raisonnement poussé au sujet des états d'âme de Brèche. Pour le moment, il lui écraserait volontiers son poing sur la figure plutôt que de l’apaiser. Il serait plus qu'heureux de la contraindre au silence, de faire parler ses os plutôt que sa bouche stridulante de détresse. Une part de lui apprécie l'idée d'en avoir le pouvoir, celle qu'il aimerait ne pas entendre tant elle lui fait horreur.

Mais à l’instant ? Elle est très persuasive.

Raspoutine fait un pas. C'est presque trop dramatique, mais le parquet proteste, pousse un piaulement sinistre. Il y aurait de quoi rire, à voir sa dégaine improbable, débardeur blanc, bretelles rayées et pantalon de velours kaki jurant les uns avec les autres, en une juxtaposition de mauvais goût aussi confondante qu'originale. Mais il n'a rien du gentil géant qu'il figurait en arrivant ici, et cette parure étrange, dysharmonieusement ridicule, ne fait qu'ajouter au terrible de son apparence ; quand bien même son visage strié de mèches interminables glissées depuis son front serait déjà une persuasion suffisante pour pousser à la fuite. Que ces lèvres modelées pour sourire se retroussent bestialement est déjà suffisamment inquiétant pour développer des frissons dans l'échine de quiconque assiste à la métamorphose. C'est un visage d'ivoire et de velours carmin qui se dévoile à l'envers de son faciès hirsute, un être de viande crue et de dentelures osseuses, une créature de muqueuses moites aux barbelures vivantes, dont la fourrure rampante a son propre mouvement, son éclat singulier, ses manœuvres bestiales, et son odeur suintante. Une bouche qui palpite à sa propre cadence en déniant celle du corps est un monstre à elle seule, un cœur d'épines et de sirop qui pulse avec fureur. Elle a sa chair, son ossature et ses marbrures fluctuantes, sa gestuelle ample, sa souplesse animale, ses bonds, ses pâmoisons et ses replis hargneux. Quand elle semble foisonner de morsures qui s'ébattent entre ses dents brandies comme autant de chauves souries rendues folles par la lumière du jour, c'est pire encore, c'est un nichoir, un vivier monstrueux qui s'ouvre et qui se tend. Un dédale marécageux vivant. Qui coulisse et s'étend, s'empare de son visage.

La gueule de Raspoutine semble prête à bondir pour aller s'enfouir dans la carcasse de Brèche.

Mais une flamme surgit, émanation de fureur. Une comète de suie bardée d'un faisceau de feu. Une rate qui vient couiner pour remettre à sa place la minuscule sourie ; rongeur noiraud et bestiole blanche, entrées en collision. Quelqu'un d'autre s'en prend aux pâleurs de la Brèche, brisant l'élan à peine entamé de Raspoutine furieux ; le laissant là, de mousses et de granit, bien trop pesant pour avancer. Campé sur ce pas lourd qu'il a fait, figé dans une attitude de menace qui n'évolue pas tout de suite face à l'intervention. Son visage reste teinté de la même bestialité, et un instant, ses yeux semblent ne voir en Feu-Follet qu'une bougie à souffler pour mordre à pleine bouche dans la part de gâteau- Brèche, si crémeuse dans sa mollesse fragile, d'une ecchymose à l'autre, dans son bourbier d'hématomes aux nuances qui s'enchaînent, tout son lierre de fractures, petite martyr souillonne. Gracile créature de nougat et de biscotte. Consentant aux blessures, aux brisures. Il a faim de sa passivité christique, dans toute l'horreur de sa colère. Il ne veut pas qu'une rate lui subtilise la place, qu'elle le prive d'une chance d'exercer sa colère. L'occasion est trop belle.

Mais voilà, il la manque. Elle lui passe sous le nez avant qu'il s'en rende compte.

La situation évolue et les rapports de force fluctuent en l'espace d'une pincée de secondes. Il ne perçoit pas les liens étranges qui s'entremêlent au cœur de chacun des rongeurs, les tractant l'un à l'autre dans un filet de morsures, mais il sent que la situation se dérobe à son emprise, plaçant d'autres protagonistes sur le devant de la scène. Toutefois, ce qu'il comprendrait intuitivement en temps normal ne lui apparaît pas ; la nature trouble de leurs relations, les mécanismes complexes de la dépendance, dont il est pourtant si familier lui même. Il ne prend pas la peine de s’interroger sur les raisons qui poussent Feu-Follet à agir de la sorte, à risquer le lynchage pour les yeux fous de la Brèche. Il n'y voit pas les signes d'une appartenance mutuelle. Rien qu'un rappel à la balance du pouvoir, une traction effectuée sur l'immuable chaîne alimentaire- pour ramener la sourie survoltée à sa place. Quand bien même ils ont beau jeu, ici, de prétendre pouvoir se dévorer les uns les autres. Une phalène humide, un chat scrutateur, un cygne ankylosé, une sourie malhabile, une rate sardonique et un bouc orageux. Ça tient du zoo ou de la ferme de cirque, pas tant de la jungle qu'ils prétendent animer. Et pourtant, dans leurs attitudes respectives, ils ont bien tous en eux quelque chose de sauvage.

Richter, mesquin et content de lui, se délectant des failles qui font jour à travers leurs masques de carnaval craquelés, comptant leurs blessures à la faveur du jeu, pour mieux exploiter ces faiblesses à l'avenir. Fange, obtus face aux paroles, insensible aux tourbillons adhésifs du langage, mais prêt à bondir sur ses membres ciselés pour aller jouer des griffes. Brèche, palpitant piteusement comme un moineau blessé, un oiseau affolé claquant de ses ailes nues à l'orée de leurs paupières, avec toute la panique déraisonnée d'un animal soumis à un stress trop intense. Feu-Follet, chargognarde possessive cabriolant avec violence pour détourner les regards et les passions de sa proie. Quenotte, tremblante et cristalline, enfin débarrassée de toutes ses attitudes de petite dame perfide- ouverte comme une plaie, et enjoignant la vérité oublieuse de ceux qui la quémandent à venir butiner dans son âme éfflorée. Puis Raspoutine. Figé dans une attaque instinctive (écraser la menace, écharper le danger, frapper avant l'autre et le tuer, le bouffer, puis en faire du terreau)qui ne s'est pas acheminée de ses poings à la carcasse de Brèche ; qui persiste pourtant dans son rictus bestiale tandis que la rate fait son numéro de cirque, saute dans des cerceaux de feu en couinant un récital aux accents presque effacés d'angoisse. Raspoutine aux yeux incandescents, qui se dresse dans toute l'intensité nauséeuse de sa pesanteur musquée, qui reste là, à l'orée d'un pas de plus, d'un pas de trop, et qui dévisage Feu-Follet comme s'il s'apprêtait à la mettre hors de son chemin d'un seul geste du bras, à la projeter au loin, à l'envoyer filer à travers les cloisons, pour qu'elle s'en aille valser dans une tourbière lointaine. A sa place d'égarée, aguicheuse petite mort, plutôt qu'à jouer sur le devant de la scène. Plutôt qu'à contrarier la lourde démence d'un faune presque amoureux des drames.

C'est une sorte de bal pour les foutues grandes gueules. Une kermesse pour les fébrilités qui électrisent chacun. Et une exhibition commune de quelques un des méchants petits secrets qui leur pourrissent le cœur. Peut-être ne révèle t'ils que leur fragilité ou leur obscurité ; ou peut-être laissent-il poindre aux yeux de tous ce qu'ils sont réellement. Des fourbes, des lâches, des hystériques, des vacillants et de sales brutes. Si seulement aucun d'eux ici-bas -ou ici haut, dans le crâne encombré de la Maison- peut prétendre être vraiment quoique ce soit de définitif, dans sa malléabilité adolescente glaiseuse, dans son informe bouillonnement d'expectatives fluctuantes, ses douleurs fulgurantes. Tous de boue et de glaires, tous d'encre encore humide et de papiers froissés qui s'entassent en brouillons à côté d'une poubelle. Origamis poisseux pliés d'une forme à l'autre. Des petits monstres si banales, tout compte fait, encore en formation. Des histoires inachevés qui se fracassent à des lignes manquantes ou à des contresens. Des poèmes en furie qui bondissent d'une volupté à l'autre, d'une fureur et d'une mélancolie jusqu'au prochain vaisseau du désespoir ; rimes comateuses, ou vrilles de mots. De simples enfants qui dans quelques années, si la Rouge le veut bien et s'ils se le permettent également à eux même, jetteront un regard désabusé sur leurs actions passées. Peut-être avec humour. Peut-être avec horreur. Rêveurs ou écœurés. Satisfaits ou déçus.

Dans la kyrielle de ses souvenirs honteux, peut-être Raspoutine accordera t'il à celui-ci une place d'honneur.
Sans qu'il comprenne pourquoi, sa fureur passe face au spectacle. Elle se déverse de lui comme un siphon mourant, tandis qu'il est encore dressé en face de Feu-Follet, occupée à ajourner la rébellion de la Brèche. Son ire exsangue s'éteint d’hémorragie, et il reste debout, presque mou, à fixer le pied de la noiraude entrer en collision avec la carcasse insensible d'une sourie. Puis, lentement, fait un pas en arrière, comme si les mots de Feu-Follet avaient réussis à le convaincre, alors même qu'il n'en a pas écouter un seul mot. Se rassoit lourdement à sa place, aux côtés de Richter. Frottant ses paumes rugueuses d'être semées d'une dizaines d'échardes, en y allumant quelques constellations de douleurs. Distraitement. Sans cesser la friction malgré la souffrance clignotant sur ses nerfs. Dévisageant toujours le duo formé par Feu-Follet et Brèche avec des yeux opaques. Le marais de ses yeux s'est refermé dans une étreinte fangeuse, aspirant de nouveau en ses dédales brunâtres sa verdure embrasée de lueurs mortifères. Raspoutine a retrouvé ses gentils yeux de cabot, son doux regard de chien. Une pesanteur très sage de grand sofa humain, un tendre hirsutisme de peluche géante.

Mais ses mains frottent, frottent, frottent.

C'est étrangement paisible qu'il patiente jusqu'à ce que chacun ait retrouvé sa place, observant tour à tour d'un air impénétrable le tribunal des gosses dont Brèche est devenue l'accusée ; en voulant s'improviser plaignante, la voila condamnée comme coupable. Bien mal lui a pris de geindre pour une fois des coups qu'elle a reçu- ceux qui l'atteignent vraiment, à travers le voile d'insensibilité qui l'entoure et l'étrangle en calfeutrant ses nerfs. C'est pourtant trop rarement qu'elle se lamente ainsi. Mais c'est sur les sujets qui fâchent vraiment qu'elle a choisi de s'exprimer... Imprudente petite sourie stridulant un réquisitoire à l'encontre du monstre dans lequel elle vit... Se plaignant du ventre en lequel elle demeure. Alors même qu'au lieu de lui offrir le gîte, il pourrait choisir de la digérer quand bon lui semblera. Il serait malavisé d'exciter sa colère, de réveiller sa faim. Ne devrait-elle pas, après tout, s'estimer heureuse et privilégiée d'avoir survécu à la disparition de Cocarde ? La Maison lui a laissé une chance. C'est qu'elle l'aime, peut-être, à sa manière d'ogresse. Et que peuvent-ils de toute manière espérer de mieux que cet amour cannibale  ? Qu'à t'on à leur offrir qui ait plus de valeur ?

Il n'y a plus rien qui vaille le coup de partir ou de se dresser contre les lois de la Rouge maintenant Banshee absent. Il n'y plus rien pour créer une attraction contraire. L'abîme Rouge est ouvert... Et il nous prendra tous, avec son magnétisme. Il nous avalera tous. Il nous annihilera.

C'est à sa situation qu'il pense, mais il la conjugue au pluriel. Car c'est ainsi que le destin procédera pour chacun d'entre eux : la Maison leur prendra tout ce qui pourrait les détourner de ses bras. De sa bouche si tendre et si aimante, si avide d'amour sacrificiel ; amour bonbon, gourmandise pour ogresse. Ce fut Banshee pour lui. Peu importe ce qu'il faudra leur enlever afin de leur ôter, à eux, toute envie ou la force suffisante pour partir ; la Maison le fera, un jour ou l'autre, avant que ne sonne l'heure sanglante du Départ. Elle les mettra tous à l'épreuve, encore et encore, jusqu'à les faire s'effondrer d'épuisement. C'est peut-être ça, qu'il devrait d'abord dire, en préambule aux explications exigées par Quenotte. Mais il ne le fera pas. Il ne s'opposera pas à la Maison. En ça, Brèche a plus de courage que lui ou qu'eux tous dans ce grenier. Peut-être est-ce surtout de l'inconscience, mais qu'importe. Elle devrait être acclamée, encouragée en fait. Mais la vie est injuste, et l'on est pas toujours récompensée pour avoir bien agis. Quand bien même elle est là, presque vaillante dans sa panique. Dans toute sa petitesse, elle se dresse contre l'Impératrice des bonheurs et des maux qui règne en maîtresse révérée sur leurs espoirs comme sur leurs craintes. Elle se dresse contre lui, alors même que la frayeur et le malaise s'emparent d'elle dés lors qu'il apparaît.

C'est bien le signe qu'il est temps pour lui d'affronter certains de ses démons. Quitte à échouer, comme le fait Brèche, face aux ricanements et au discours confiant du matou entré dans les bonnes grâces du monstre primordial. Foutu chat de gouttière élevé au rang de petit roi par sa méchanceté plus tenace que celle des autres. Baragouinant dans son langage gitan quelque horreur à sa sœur...

Alcatraz


Action ou Vérité ? [Fermé, les invités sont déjà prévenus de leurs arrivées] - Page 2 Snow
personnage : Longue gueule patibulaire d'adulte perchée sur un mètre quatre vingt cinq de puanteur caprine. Croyez le non, Alactraz a seulement dix sept ans. Dans ses bottes de sept lieux et ses vêtements de velours, il n'affiche pourtant qu'une mine éternellement sinistre. Morose jusqu'au bout des lèvres, grinçant à chaque parole. L’œil torve, éteint ou menaçant, il traîne partout sa fatigue morale et son irritabilité foudroyante. Difficile de passer à côté de l'inquiétant Alcatraz et de son amertume, difficile de ne pas frémir quand sa voix grave s'enroule hors de sa bouche comme une lanière de cuir cloutée de sarcasmes et de cynisme. Il fait bien dix ans de plus que son âge, et ce n'est plus tant la barbe ou la carcasse massive : c'est l'air désabusé, l'étouffante et morne aura macabre qui l'entoure constamment. Prenez garde à l'ancien Chef des Cerfs. Ne vous permettez pas des aises sous prétexte que son regard est souvent vague, mélancolique, qu'il semble tout compte fait s'éloigner des vivants un peu plus à chaque jour qui passe. Jamais il ne fut plus manipulateur et amorale qu'il ne l'est aujourd'hui, ni jamais plus violent, alors même qu'il a cessé son tintamarre permanent, sa comédie faunesque. Alcatraz était bien moins dangereux quand il faisait perpétuellement du bruit. C'est désormais qu'il a plongé dans un silence lugubre, désormais que son regard est triste, que vous avez toutes les raisons de le craindre. Pour peu que vous ne soyez pas un Cerf -auquel cas, il puisera au moins dans ses réserves déclinantes de patience et d'amabilité-, évitez le autant possible. On ne sait jamais quand il pourra frapper. Avec la langue, ou bien avec les poings.

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Naufrage humain
Naufrage humain
Alcatraz
Mar 23 Jan - 19:36
Rien cependant ne vient troubler son calme. Ni les messes-basses susurrées en roumain, ni les cogitations ténébreuses qui l'emplissent. Car de son accès de fureur, il ne reste plus rien, sinon une sorte de fatigue sirupeuse qui irradie de ses traits comme à travers les craquelures mal rebouchées d'un vieux masque de bois. Bêtement coupé dans son élan, il a laissé s'échapper la colère qu'il tenait tout serré contre lui. Une trébuchade, et elle lui a glissé d'entre les bras en lui écorchant le cœur, sombrant à nouveau dans sa prison d'abîme. Humeur aussi volatile qu'un gaz combustible. Impérieuse et absente. Pesante et puis lointaine. Une fois de plus, le faune est retourné se terrer dans l'attente de la nuit, aux régions basses des ténèbres intimes. Et une fois de plus, Raspoutine se retrouve confronté à ses contradictions en face d'une tribune inquisitrice, guettant ses réactions et son prochain éclat. Adulte et gamin, doux et brutal, humaniste et bestial... Capable du meilleur comme du pire, et devant justifier ces oxymores constants. Contraint à légitimer ses outrances par une flamboyance théâtrale, pour sauver sa sale peau.

Ce qu'il ne peut, ne veut pas faire, maintenant. Et tant pis si Richter se pourlèche, et tant pis si Brèche ne le perçoit qu'encore un peu plus violemment comme un grand croquemitaine prêt à la dévorer. Tans pis s'il doit laisser un instant tomber bas les frusques protectrices de son éternel carnaval. Il a de toute façon un millier de choses à dire ; pas à eux tous, mais à Quenotte. Et il ne pourra pas prononcer certaines d'entre elles en se couvrant d'un masque. Elles n'en franchiraient jamais la membrane protectrice.

Alors cette fois, ce sera sans les sublimes apparences mensongères, sans délicats ronds de patte et sans vaillantes tentative pour faire au mieux ; il s'adressera à elle en se laissant guider par le flot de ses émotions. Et advienne que pourra de ce dangereux échange au cœur à cœur. Rien ne saurait être pire que le visage secret qu'il leur a dévoilé il y a quelques instants- sinon de finalement agir en portant ce visage là. L'horrible gueule du faune.

Celle qu'il présente maintenant est étrangement nouvelle, inconnue de leurs yeux ; peut-être même des siens. C'est un ensemble de bizarreries discrètes qui lui composent un tout autre air qu'avant. Il y a d'abord cette lassitude adulte qui modèle ses traits, cette dignité usée dans son expression, malséante, inédite. Puis autre chose dans son regard humide, de la détresse mêlée de désespoir, aussi tragiquement adolescente qu'il se peut. Pour ses lèvres, une ombre de rictus, non plus de colère mais de souffrance. Dans son maintien plus mou, les épaules relâchées en un glissement de terrain. Dégringolade infime du dos sous sa cape de cheveux, inexorable torrent d'ondulations terreuses aux longues coulures de cuivre. Sa tête aussi finit par pencher légèrement, comme si quelques vertèbres s'ouvraient sur sa nuque.
Mais il fixe toujours un même point invisible, en suspension devant Quenotte. Humecte inutilement ses lèvres. Et, puisque le silence est là finalement, tourne lentement la tête, avec une sinistre lenteur totémique.
Assène

- Ferme ta putain de gueule, Brèche.
De sa voix la plus horriblement abyssale. Avec pour son surnom le soupçon d'un grognement, petit roulement de graviers sur les deux premières lettres. Une écorchure au bout de la langue, un perchoir à corbeaux. Et ce sera tout pour elle. Pas plus d'intimidation bestial ou de mots menaçants qu'il en a déjà produit. Il se contente de la dévisager l'espace de deux secondes pour appuyer cette phrase- c'est un regard si lourd qu'il laisserait presque une marque, mais il ne frappera pas. Jamais il ne le ferait en possession de toutes ses facultés de raisonnement, d'empathie, toute bête savante qu'il est. Quand bien même cela ne change rien à la violence qui existe au fond de lui et qui parfois l'emporte, quand bien même cela n'excuserait pas les actes dont il pourrait se rendre coupable sous l'emprise de la rage ; cette fois, ce n'aura été que l'ébauche d'une irréparable erreur, qu'une simple phrase en guise de claque. Il n'y a cependant pas suffisamment de compassion en lui, même une fois sa colère remisée en des espaces lointains, pour lui donner envie d'épargner cette sentence à la Brèche. Car elle les a sommé d'aller poser des questions à Banshee. Ce qui n'est qu'une manière bien innocente de les enjoindre à la mort, quand l'incertitude plane encore sur le sort du Cerf Blanc... Incitation trop séduisante à en finir bien avant les Départs- pour aller voir si finalement, l'au-delà n'aurait pas quelques accents d'Envers. Puisqu'il faut bien qu'il que l'Extérieur aussi ait son royaume caché. Et pourquoi pas dans la nuit de la mort plutôt que celle des rêves ?

Ce serait mentir de dire qu'il n'y a pas songé. Mais il n'aurait de toute manière aucun besoin de le faire : qui donc irait lui poser la question ? Il ne viendrait à l'esprit de personne que Raspoutine puisse parfois palper avec un désir trouble l'idée frémissante du suicide. Pas quand il rit, pas quand il gueule, pas quand il bouge avec vivacité ; pas avec cette vigueur et cette ardeur de vivre. Il y était pourtant familier avant de rejoindre le théâtre carmin. Avant Brocéliandre et les rues, puis avant qu'Orcynie ne devienne trop difficile à gérer et qu'ils l'envoient ici- par sa faute à lui, pour avoir réclamé trop d'espace, avoir un peu trop tiré sur sa laisse de grand frère. A vouloir danser entre les coups des poignards, à vouloir galoper de ruelles en nightclub. A suivre des chiens fous, des chats gouttières et des oiseaux moqueurs.

Jamais la Maison ne les aurait happé s'il s'était contenté de patienter jusqu'à l'heure de la libération, d'attendre de pouvoir quitter sa famille avec les armes de l'emploi et de l'éducation. Mais à l'époque, il avait préféré s'enchaîner à d'autres enfants perdus aux yeux désespérés, captivés sans mesure par leur beauté tragique, pris aux filets de leurs passions si vaines, magnétisé par l'ardeur de leurs gestes, l'éclat oscillant de leurs orbites moirées, l'intensité de leur fièvre, leur morgue charmante et puérile, leurs élans kamikazes... Toute cette gestuelle d'apparat, ce langage théâtrale, perclus de codes semblables à ces motifs de clous dont ils couvraient leur blouson de cuir pour s'approprier une seconde peau de voyou. Ils l'avaient tracté à leur royaume de fumées et reflets, mirages ondoyants de brouillards ou d'alcools, ils l'avaient pris parmi eux sans remous, l'avaient accepté sans sourciller comme un des leurs, car ils avaient vu en lui quelque chose de semblable à ce qui les rongeait de l'intérieur, jour après jour. Il ne manquait au Bartel de l'époque que certaines attitudes, qu'un certain nombre de subterfuges et de moyens de faire face sans faillir à ses douleurs secrètes. Comme eux, il avait appris à métamorphoser le maelstrom de ses douleurs et de ses peurs en un constant tourbillon de rage- rage de vivre et de mourir, d'être vu et aimé. Rage en dernier recours, faute de savoir quoi faire pour échapper au manque, à la misère et à la solitude. Tandis qu'il courrait les rues en gueulant sa peur du lendemain et des impasses du monde, Orcynie à son tour plongeait dans une nouvelle solitude, abandonnée du frère qui avait toujours été là pour filtrer la violence d'un univers hostile à son évanescence. Un mur était tombé, l'exposant au danger. Et c'est au fil de ses crises, de ses crissements de violon, qu'elle avait exprimé sa peur et sa souffrance à elle. Jusqu'à finalement convaincre ses parents de s'en débarrasser- de la "confier à un établissement qui saura l'ouvrir au monde malgré son handicap, lui fournir les compétences nécessaires afin de se prendre en main et de mener sa vie, aussi précieuse que celle de n'importe qui d'autre, sans avoir à dépendre de personne". Il n'avait pas été convaincu par les raisons invoquées. Mais la pieuvre Rouge avait étendue ses tentacules jusqu'à eux, sans qu'il parvienne à savoir comment ses parents avaient entendu parler de la Maison, bouffeuse d'enfants sortie de nul part. Elle s'était soudain immiscée dans leur vie, emprisonnant Orcynie dans ses vrilles, son haleine s'était mise à courir sur leur nuque, à peine perceptible, mais avide. Bartel avait sentis son influence s'étendre sur sa sœur, avant même qu'elle ne parte. Il avait eu conscience d'une présence nouvelle, impalpable, qui attirait Orcynie à ses bras, magnétisait doucement son âme, et l’emmènerait loin de lui. Peut-être n'était-ce que de l'angoisse. Ou peut-être était-ce vraiment l'influence de la Maison qui opprimait ses nerfs, étendue très loin de son écrin de forêt, infiltrée, tortueuse, jusque dans sa famille. Cueillant subrepticement de nouveaux enfants perdus, cassés, indésirables, sans que personne ne sente son glissement discret au-delà des terres allouées à sa carcasse, sans que quiconque ne perçoive ses étreintes délicatement oppressantes. Aujourd'hui, Raspoutine est convaincu que la Maison est venu chercher Orcynie d'une manière ou d'un autre, qu'elle a étendu ses racines empoissées pour la conduire à elle. Et qu'elle continuera de le faire, pour attirer d'autres gamins condamnés à marcher dans les traces laissées par leurs prédécesseurs. Une génération d'éclopés après l'autre.

Parfois, il a même l'impression que la Maison les a toujours observé, Orcynie et lui, en attendant son heure. Patientant jusqu'au moment propice où elle pourrait finalement les faire glisser vers elle sans difficulté, les laissant mûrir afin d'avoir des pommes bien rouges dont festonner ses branches. Cela ressemble à ses manières de faire. La Maison est un Ygdrasil rampant, tâtonnant de ses racines jusqu'aux vies fissurées qui lui laisseront une petite ouverture, conduite à elles par certaines vibrations. Raspoutine n'en doute plus à ce jour : la Maison part en chasse.

N'en déplaise à la Brèche, ou aux Cygnes, tous ont été ses proies. Aucun d'entre eux n'est ici par hasard. Derrière les apparents aléas du destin se cache l'influence invisible et taiseuse de la Rouge. Car quelles étaient les chances qu'ils soient conduits ici, dans cette baraque vétuste au milieu de la forêt ? Quelles sont les chances pour qu'elle perdure encore, une promotion fracassée après l'autre ? Pour qu'il y ait toujours de nouveaux arrivants, alors même qu'elle n'est rien qu'un amoncellement de poutres sur un petit coin de terre boisée, dans un replis moite et secret de Louisiane ? Il faut qu'il y ait une présence occulte à l’œuvre pour expliquer que la Maison n'ait pas déjà fermée ses portes. Il faut qu'il y ait un esprit dans ces planches, un réseau de vrilles invisibles qui s'étendent bien loin à l'Extérieur. C'est l'unique explication conçu par Raspoutine. Dictée par son instinct et ses croyances païennes, par ce qu'il perçoit de la Maison depuis son arrivée.

Encore maintenant il la sent à l'affût, un voile aussi léger qu'une toile d'araignée superposé à leurs petites présences, un étouffant voile de tulle doucement agité par une respiration. Il sent presque les pensées de la Maison le frôler, délicates et diaphanes- peut-être bien des courants d'air, ou des frissons dégobillés par le flot d'émotions. Mais il la croit plutôt en train de les observer, de les écouter, avec une de ses centaines d'oreilles, un de ses milliers d'yeux. Est-il vraiment le seul à la sentir peser sur eux, tendre et asphyxiante ? Est-il le seul à peser le poids de leurs paroles ? Certaines chose ne peuvent pas être dîtes, même sous couvert de la colère. Pas ici, dans le crâne même de la Maison, pas sans que ne viennent ensuite d'horribles représailles... L'Envers n'est-il pas déjà là, frémissant quelque par juste à l'orée de leur peau ? Entre l'os et la peau, comme une seconde membrane, un calque frissonnant. Portant sur lui le vrai dessin de leur âme. Phalènes poudreuses dans les cheveux de Quenotte, ébauches de cornes faîtes d'ombres, de lumière et de poussière pour ceux de Raspoutine ; linéaments brouillés, brouillons. A chacun sa couronne, d'os ou de velours, aérienne ou dentelée. De simples illusions, des visions fugitives ; qui n'apparaissent qu'au dernier instant où les paupières se joignent, déjà avortées quand elles s'ouvrent à nouveau. Mais elles pourraient s'incarner pour de bon. Ce pourrait être leur punition pour laisser proférer ces vérités gênantes, ces récriminations à l'encontre de la Rouge : être condamnés à revêtir leurs apparences grotesques, violentes et fantasmées. Des formes prestes et agiles pour mieux fuir dans la brise, des légèretés bondissantes de flocon pour suivre ses lubies, des arbres torturés aux branches peuplées de pendus, des tranchées de fange, de sang, de glaires ; un forêt pour les louves, pour les faunes, pour les biches, pour les nymphettes de crème fouetté et les chats à dents de sabre. Que deviendrait Richter dans ce genre de forêt ? Lui qui reste insensible aux caresses impérieuses de l'Envers. Que verrait-il de ce chaos, de ces métamorphoses ? Resterait-il coincé dans le gosier de la Rouge, comme ce fut sans doute le cas pour Cocarde et les autres ? La curiosité pourrait presque le pousser à tenter l'expérience. Il n'a jamais vu d'Effacé pénétrer dans l'Envers. L'heure n'est cependant pas à l’expérimentation, aux écarts de morale.

Peut-être au final, est-ce pour le mieux qu'il fait à Brèche le déplaisir de ces mots et ce regard pesants. Pour éviter une intervention bien plus brutale et dissuasive encore.

Monolithique, il se tourne à nouveau vers Quenotte. Un simple mouvement du cou, pour darder sur elle l'éclat marécageux de ses yeux. Les siens sont orageux. Ils s'opposent, en ça comme en tant d'autres choses. Ciels d'hiver et terres d'automne. Ils s'opposent et pourtant, ils doivent bien se résoudre à travailler ensemble. Ils doivent bien se résoudre à parler.

Et Raspoutine, puisqu'il a fait en sorte de les acculer -lui et Quenotte, enfin contraints à se faire face et à parler franchement-, puisqu'il s'est imposé lui même cette angoisse, cette douleur, puisqu'il est responsable de la situation présente, de sa précarité, de cet équilibre scabreux qui les maintient tous en acrobates sur le fil d'un couteau... Puisqu'il a voulu de cette confrontation, qu'il s'est juré (mais sans y croire, n'est-ce pas ?) qu'il répondrait franchement à la question posée ; alors il essaie d'impulser un mouvement à toutes les choses inertes qui se sont effondrées en lui après l'intervention de Feu-Follet, d'éveiller dans ce fatras nauséeux une émotion qui puisse le porter jusqu'à la vérité qu'il s'est promis d'exprimer aujourd'hui.

Il trouve bien quelque chose dans la seconde. Une résolution douloureuse à tenir sur son cœur. Un soupçon d'agressivité animale qui lui commande de rire à gorge déployée, pour bien montrer son mépris et ses dents ; de se lever pour partir sans donner suite à la conversation. Puis une once de malaise pour enrober fort joliment le tout. Ça se lit quelque part dans son regard, à mi-chemin des profondeurs tourbeuses, mais peut-être son expression est t'elle trop ombrageuse pour qu'on puisse y déceler cette infime lueur de culpabilité. Cependant, en l'instant, une vérité se dévoile, à voir la moiteur animale de ses yeux : ils peuvent être aussi bien d'une ravageante douceur que s'animer à la plus sinistre des fureurs bestiales. Ce sont ces mêmes éclats contraires qui les habitent alors, plaçant son expression entre la colère et la tristesse, sans qu'il soit possible de déterminer si l'une l'emporte sur l'autre.

Pourtant, quand il prend la parole, c'est d'une voix mesurée ne laissant rien percevoir d'un possible conflit. Une voix de cheminée, une chaude exhalaison. Onctueuse comme une louche de crème, un long ruban onctueux de mousse au chocolat. Il n'y manque qu'un sourire, et pourtant, elle s'accorde à ses traits graves et vibrants de sentiments retenus. Il ne mentira pas. C'est dit. Mais il ne laissera pas tout son corps clamer la vérité.
Celles des mots suffira.

- Quenotte, pose t'il doucement dans son plus bel effort. Je suis désolé. Désolé de la forme ; de cette presque agression. Je suis désolé d'avoir eu à provoquer cet échange ainsi, ici et maintenant, de cette manière brutale. Et je suis désolé de vous avoir tous pris en otage, vous autres, pour en arriver là. Mais je pense sincèrement qu'il le fallait. Et je ne m'excuse pas du fond.
<< Je crois que nous devons nécessairement parvenir à dire la vérité. Au moins à ce sujet là. Nous passons notre temps à mentir à différents niveaux... A jouer la comédie, pour une chose et une autre. Toi, moi, et tous les autres. Nous avons tous un rôle à jouer, qu'il nous plaise ou non. Il nous est parfois imposé, et il ne nous reste pour toute liberté que d'y ajouter les nuances qui nous plaisent. Mais il y a une chose sur laquelle nous ne pouvons plus mentir, tous les deux... Même si la loi de la Maison nous l'impose. Même si j'ai fais mon possible pour la suivre- car quelque part, c'était plus simple ainsi. C'était plus simple de prétendre qu'il n'avait jamais exister... plutôt que d'accepter qu'il m'a abandonné.


Ce n'est pas un nous. Ce n'est plus collectif. Il s'agit de sa douleur. De sa concession à la vérité exigée par Quenotte. Et cette simple ébauche d'aveux fait céder quelque chose en lui. Ce n'est pourtant presque rien d'autre qu'une vague témoignage d'affection, et il n'a encore prononcé aucun nom. Mais cela suffit pourtant. Une seconde auparavant, il devait se faire violence pour continuer de la regarder dans les yeux, mais soudain, cette fixité devient un point d'ancrage, le regard de Quenotte se fait phare de pâleur, son cœur d’obsidienne l'aspire tel un trou noir , tandis que sa vision périphérique s'obscurcit d'un étau qui va serrer ses tempes. Une pression dont il n'avait pas conscience jusqu'alors se contracte violemment en lui, prête à se dénouer. Un tremblement lui courre de long de l'échine, qui monte et descend à la fois, s'empare de ses lèvres, frissonnement d'apocalypse, puis les étire d'un long sourire sans joie.
Ses mains s'ouvrent soudain ; puis se serrent brutalement. Il tremble presque désormais. Et sa voix a déjà perdu à nouveau cette douce onctuosité quand il parle à nouveau, les yeux trop grands ouverts, les narines frémissantes.

Mais il y a ça quand même... Je ne comprends pas Quenotte. Je ne comprend pas pourquoi. Pourquoi tu me poses finalement CETTE question. (Bordel de dieu...) Comment se fait il que tu n'ais pas compris ? Comment se peut-il que toi, tu n'ais pas réussis à percevoir ce que tout le monde a vu... Est-ce que ce n'est pas évident ? Est-ce que tu ne devrais pas le comprendre, toi, toi qui te rengorge de me percer à jour et qui le fait bien peut-être, tout compte fait, toi qui glisse ces putains de sous-entendus sur ce qu'il y a au fond de moi, sur ce qui m'a conduit là... Toi qui prétend tout savoir, car nous souffrons tous les deux du même orgueil sans nom, mais oui ! qu'on s'imagine plus cerfs que nous ne le sommes vraiment, des bâtards sans couronne qui se débattent dans la boue... Pourquoi tu dois me forcer à dire ce que tout le monde a déjà d'ors et déjà compris ? Ce qu'ils savent tous, ce qu'ils ont pris, et salis, et que tu retournes toi aussi, dans tes regards, dans tes remarques, que tu continues de souiller alors qu'il est partis et que c'est tout ce qui me reste, des souvenirs ; mais dans vos yeux, dans vos bouches, ils deviennent sales, ignobles... Et toi, TOI, à chaque fois que tu me regardes tu me jettes ces PUTAINS  DE MENSONGES AU VISAGE. Alors merde, merde... ET PUIS MERDE, qu'il hurle en se tendant un instant de tous les muscles, nerfs, tendons, qui forment l'ouragan de son corps, gueulant pour le plafond et les toiles d'araignées, presque à bondir pour y suivre son cri vers les poutres et percer la toiture pour aller éclore dans le ciel en une fleur d'orage- puis retombe comme sa voix, se crispant de frustration jusqu'au bout de ses bras. Retrousse les lèvres avec une amertume qui simplement à voir, laisse presque un sale goût sur la langue. De toute manière vous le savez tous ! Ce n'est plus un secret pour personne depuis des mois déjà. Et ça n'a plus d'importance, ça n'a plus aucun sens de le cacher puisqu'il a disparu.

C'est le mot, le mot ignoble. Il lui fait mal,  verre pilé dans la bouche, ça lui en scie la langue, ça crépite dans sa gorge, il plisse les yeux car ça l'entaille, et sa voix casse, comme si les trois syllabes éclataient dans sa bouche. disparu

Qu'est-ce qu'il m'a dit qu'il t'a caché ? Qu'est-ce qu'il m'a réservé, à moi, à mes oreilles, et qu'il s'est refusé à te faire partager ? Rien qui vous regarde tous. Rien que des mots d'amour.


Ça y est, c'est dit. Il prononce ça avec horreur, avec douleur, il y met tant de substance, tant de pesanteur, que les mots entraînent son âme au passage quand ils fusent. Qu'il reste là, au sein de son corps vide, ayant presque la sensation de flotter dans la pièce. Et puis... Retrouve sa carcasse en silence. Ressent, soudain... Quelque chose d'étrange. Il ne s'attendait pas à être soulagé, et ce n'est pas vraiment le cas. Il s'attendait à de la colère. Mais les larmes débordent et elles le prennent de court. Il n'y a que la tristesse- non, la désolation. Un gouffre qui respire comme une plaie suintante quand il révèle enfin l'absence sur laquelle il s'est évertué à édifier tant d'attitudes rassurantes, sur lequel il à déversé tout un printemps factice. Des étincelles au bout de ses doigts pour effacer cette faiblesse liquide creusant dans son visage de sillons indélébiles -ils les verront pour toujours si je ne les balaie pas, à chaque fois qu'ils tourneront les yeux vers moi ils les verront, se souviendront et ils sauront, il n'y aura plus que ça dans leurs pensées, c'est comme des cicatrices qui ne s'effaceront jamais et je voudrais tous les faire disparaître pour qu'ils ne racontent rien, pour qu'il ne reste aucun témoin je devrais tous les tuer-, et pourtant, il n'en fait rien. Ils ont voulu ce moment. Ils ont conspiré pour, à murmurer sans cesse, à jouer ainsi aux lanceurs de couteaux. Ils ont tout fait pour en arriver là. Le voir s'ouvrir en deux dans tout son abandon et chialer enfin ses larmes de camé, drogué en manque d'amour, en manque du seul Banshee. Il ne les laissera pas se dérober au spectacle, à tout ce qu'il a d'insoutenable. A l'insupportable abîme creusé au fond des yeux. Qu'ils y tombent, s'y déchirent. Qu'ils crèvent de palper la souffrance mise à nue d'un faune abandonné, qu'ils s'y rompent même les doigts, qu'ils se blessent à subir cette douleur aussi aigüe que ses joies. Qu'ils soient emplis de ce malaise et de cette envie de fuir qui taraude les témoins de la vulnérabilité. Qu'ils détestent ou qu'ils adorent ce qu'ils voient, ils l'ont bien mérité. Alors qu'ils boivent ces larmes ou ces s'agitent de malaise. Ça n'a plus d'importance. Plus rien n'a d'importance.

Je l'aime. Il est parti. Il ne reviendra pas. Jamais. Je l'aime quand même, c'est fou. C'est con. Mais ça n'y changera rien maintenant, et ça ne l'a pas retenu. Aucun de nous n'a pu le faire. Et pourtant... Pourtant je l'aime encore. J'aime Banshee. Alors voilà, c'est dit, et sa voix se brise parce-que c'est insoutenable d'avoir à en parler, de révéler cette blessure qu'il a maintenu cachée en vertu des lois de la Maison (et parce-que je le voulais, car ça m'arrangeait bien, dis le dis le), c'est tout ce qu'il a pu me confier et qu'il ne t'a pas dit, c'est la seule chose qui nous appartenait. Mais ça aussi vous l'avez pris, vous avez tendu des oreilles à travers les murs pour écouter nos échanges, des yeux pour espionner chacune de nos caresses... Ça ne le dérangeait pas d'être épié. Lui il s'en amusait, il aimait entretenir l’ambiguïté, il en riait même avec moi. Mais c'était pourtant à nous et à personne d'autre. Vous n'auriez pas dû traîner ça dans la boue. Pourtant, vous l'avez fait du temps où tout ça était encore supportable, quand Banshee était là et que je pouvais encore passer outre les horreurs insidieuses- à murmurer que je le pervertissais, que je cherchais à profiter de son influence pour gagner en pouvoir, alors que c'est lui qui est venu me chercher, c'est lui qui m'a pris par la main et m'a conduit aux Cerfs... Je n'en espérais pas tant. Moi je n'osais pas le faire, je ne pouvais pas être plus qu'une comète fusant dans son orbite, un chien curieux poussant sa main. Je ne pensais pas qu'il voudrait m'y retenir captif, qu'il aurait le désir de me faire satellite. Pourtant, il est venu et s'est emparé de moi. Mais quand il est partis, vous avez continués, avec d'autres rumeurs, d'autres regards insistants. A prétendre que je n'étais pas étranger à sa disparition, pour un rôle que je n'ai jamais demandé, une place qui ne signifiera rien au moment des Départs, qui ne m'aidera pas à faire face à l'Extérieur ni à moi même. Comme si j'avais accordé la moindre putain d'importance à l'idée de m'asseoir à la place de Banshee... Pourquoi faire hein ? Pourquoi faire s'il n'est plus là ? Je suis devenu chef des Cerfs car il me l'a demandé. Et que je suis assez con pour honorer sa dernière volonté du mieux que j'en suis capable.

<< Mais je suis sûr qu'au fond de toi tu sais déjà tout ça. Tu avais peut-être besoin de me l'entendre dire. Peut-être que j'ai eu tord de trop bien jouer le jeu en prétendant que tout ça me laissait indifférent. C'est ce qui est censé arrivé dans les situations de ce genre. Nous devrions accepté d'oublier Banshee, ou d'en faire un simple élément du folklore. C'est ce qu'on attend de nous. Nous sommes des bons dieux de Cerfs pas vrai ? C'est une des règles de la Rouge... C'est drôle quand on y pense. J'ai mis plus de cœur que toi à l'ouvrage pour essayer de la suivre, cette foutue règle là. Pour que les autres n'aient pas à vivre accrochés au souvenir de Banshee. Comme moi. Comme... toi. Il y a trop de nous en lui. Dés que nous nous faisons face, c'est son absence que nous voyons sur le visage de l'autre- pas Quenotte, ni Raspoutine. Juste l'absence de Banshee.


Il ne tremble plus. Il est très calme désormais. Les larmes sur ses joues sont froides. Mais son regard n'a pas quitté celui de Quenotte.

Voilà pour ta première question Quenotte. Mais ce n'est pas la plus importante... Au fond, je ne t'apprends rien. Ce que tu as vraiment besoin de savoir, c'est ce qu'est devenu Banshee, pas vrai ? C'est autre chose que nous avons en commun. J'aurais besoin de le savoir moi aussi. Car je ne sais pas où il est. Je ne sais pas s'il compte en revenir. Il a dit qu'il allait s'endormir et rêver d'une maison, et qu'en retour la maison le rêverait lui aussi- il a dit que je serais dans ce rêve. J'ai cru qu'il m'incitait à le chercher. J'ai cru que sa disparition serait temporaire. Mais il n'y a aucun signe, Quenotte. Il n'y a rien qui me permette de croire qu'il est partis à la faveur de la nuit et qu'il m'attend dehors... Rien qui me laisse à penser qu'il se trouve dans l'Envers. Je n'ai aucune idée de ce qu'il est devenu. Je me suis endormis en le serrant dans mes bras, et je me suis réveillé seul au matin, pire qu'orphelin. Depuis, j'ai beau le chercher, je ne le trouve pas... Et je me demande même... J'en viens même à me demander s'il voulait vraiment que je le retrouve.

<< La voilà la vérité Quenotte. Banshee a disparu. Pas seulement pour tout le reste du monde. Il a aussi disparu pour moi, sans aucune grande révélation, sans aucun mot de la fin. Et il me manque.


Sa voix se déchire. Aussi rauque que du roulement de gravier.

J'aimerai parfois pouvoir mourir rien qu'en fermant les yeux.

Alors seulement Raspoutine détourne le regard. Presque pudique, étrangement digne, finalement pour un temps un peu plus cerf que bouc. Asséchant les marais salins de ses orbites, puis éteignant enfin les feux-follets de ses yeux.
C'est un printemps qui fane quand il ternit ainsi. A presque regretter de le voir flamboyer. A presque quémander une nouvelle gueulante. Il est aussi aveuglant dans son tourment que dans ses autres excès.

Une ombre tombe sur son cœur et envahit le grenier.



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